Maladie de Lyme : prise de position de l’Académie nationale de médecine et du Haut Conseil de la Santé publique
Bactériologie
Suite à la polémique qui se développe et s’amplifie actuellement en France sur la Maladie de Lyme (ML), l’Académie nationale de médecine et le Haut Conseil de la Santé publique ont tenu à formuler leurs remarques au sujet de cette maladie.
Selon l’Académie nationale de médecine, la ML, au sens strict du terme, est une maladie infectieuse bien individualisée sur le plan microbiologique (Borrelia), épidémiologique, clinique, sérologique, « même si les tests diagnostiques sont, à ce jour, imparfaits. » La sensibilité des Borrelia aux antibiotiques permet un traitement efficace à la condition de respecter posologies et durée, notamment dans les formes primaires. Les membres de l’Académie de médecine rappelle en effet que « L’érythème migrant est suffisant pour porter le diagnostic, la confirmation sérologique n’est pas nécessaire. » Les formes secondaires (phase de dissémination du germe) comportent toutefois selon les académiciens « des localisations neurologiques, articulaires, cardiaques, cutanées de façon variable. »
L’Académie nationale de médecine souligne que « des difficultés peuvent apparaître à la phase tertiaire correspondant à une forme non diagnostiquée précocement et/ou non traitée, caractérisée par des signes le plus souvent objectifs cutanés, neurologiques ou articulaires. La réponse au traitement antibiotique est plus lente et plus aléatoire en raison d’une participation immunologique à l’origine de la symptomatologie. »
Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) affirme au contraire qu’alors que la spécificité attendue pour les tests Elisa est de 90 % et de 95 % pour les tests de confirmation, un état des lieux réalisé à partir des notices des réactifs du marché français indique que le nombre de réactifs satisfaisant aux recommandations en termes de sensibilité et de spécificité est de 13/33 pour les réactifs Elisa et de 9/13 pour les réactifs de confirmation.
Pourtant, le Pr Benoît Jaulhac, directeur du centre national de référence (CNR) des Borrelia-Borreliella, a affirmé qu’à la phase disséminée de la maladie, la sérologie était « presque toujours positive. » Selon lui, le problème réside dans le fait de rattacher une sérologie positive à des manifestations cliniques non spécifiques. Les tests sérologiques ne permettent pas de faire la distinction entre une infection active et une « cicatrice sérologique », sachant que la séroprévalence est élevée dans certaines régions.
Questionné par l’Agence de presse médicale sur la fiabilité des tests sérologiques, il a reconnu des problèmes de standardisation. Des travaux du CNR sur les tests vont être rendus à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En juin, le ministère avait indiqué qu’une évaluation des tests de dépistage avait été conduite par l’ANSM, qu’une formation des biologistes avait été assurée pour faciliter l’interprétation des résultats et que les notices des tests avaient été actualisées.
S’agissant des tests de confirmation, « chaque fabricant commercialise un mélange qui lui est spécifique, assorti de critères de positivité qui lui sont propres et dont le contenu n’est pas toujours précisé dans les notices », résume le responsable du CNR. Le Pr Jaulhac défend pourtant les recommandations actuellement en vigueur et estime que lorsque le test Elisa, préconisé en première ligne, est négatif, l’immuno-empreinte (Western-Blot) est inutile et contre-indiquée.
Controverses
Selon l’Académie nationale de médecine, les controverses concernent surtout ce que certains appellent « Lyme chronique », ce qui correspond à une phase tardive et qu’il vaut mieux rapprocher des phases tertiaires de l’infection. Elles sont caractérisées par des signes cliniques le plus souvent subjectifs et persistants (douleurs articulaires, musculaires, céphalées, asthénie, troubles du sommeil, perte de mémoire…). « Ce sont les données sérologiques parfois positives, ailleurs incertaines, voire négatives, qui conduiraient à incriminer la ML », précise l’Académie nationale de médecine.
Le débat se dégrade si l’on tente d’intégrer dans la ML des tableaux neurologiques s’apparentant à des Scléroses en Plaques (SEP) ou des Scléroses latérales amyotrophiques (SLA), ou même à la maladie d’Alzheimer…que la sérologie soit positive, douteuse, voire négative !
Selon l’Académie, pour répondre à la question de fond concernant la responsabilité de la ML dans les « formes chroniques » plusieurs éléments doivent être soulignés :
–
Il faut reconnaître le polymorphisme de la ML, qui en fait une infection complexe, à l’instar de ce qu’était en son temps une autre spirochettose, la syphilis.
–
Même si les Borrelia sont extra et intra cellulaires, susceptibles de se modifier, d’échapper partielle-ment au système immunitaire, même si des réactions immunes éventuellement excessives peuvent survenir dans ces « formes tardives », on comprend mal pourquoi cette maladie infectieuse à germe sensible serait une exception, au point de nécessiter des mois de traitement ou davantage, des cures successives, ou des associations d’anti-infectieux avec des antiparasitaires ou des antifungiques ou avec des immunomodulateurs, prescriptions que certains préconisent.
–
Les tests diagnostics sont certes imparfaits, mais la communauté internationale reconnaît la validité de certains d’entre eux, recommandés dans tous les pays, en Europe, y compris en Allemagne par les organismes officiels.
–
Il faut rappeler qu’une sérologie positive vis-à-vis d’un germe ne témoigne que d’un contact antérieur avec ledit agent infectieux mais qu’elle n’est pas obligatoirement le signe d’une maladie infectieuse évolutive.
–
L’efficacité supposée des traitements prolongés ou associant diverses molécules n’a jamais été démontrée dans la littérature scientifique. A contrario, une récente étude néerlandaise parue dans le New England Journal of Medicine a montré l’inefficacité et même les dangers des traitements prolongés dans ces « formes chroniques ».
–
La multiplicité des Borrelia et l’existence d’autres agents infectieux transmis également par les tiques est à prendre aussi en considération.
Pour l’Académie de médecine, « Il importe jusqu’à preuve dûment et scientifiquement établie de rester dans les limites assignées à la maladie en faisant, en cas de doute, bénéficier le malade d’un traitement antibiotique selon les bonnes règles : choix, durée et posologie. La ML pourrait être une mauvaise réponse à une question légitime de malades qui souffrent, insatisfaits par la prise en charge de leurs troubles, qui veulent être écoutés et auxquels il serait donné de faux espoirs. » Il importe aussi de progresser en proposant « la poursuite des recherches sur la responsabilité d’autres agents infectieux ; la mise au point et l’amélioration des différents tests de diagnostic ; et surtout, la mise en place de protocoles thérapeutiques contrôlés, s’appuyant sur des choix rationalisés de molécules, versus placebo, avec des malades volontaires sélectionnés pour constituer des groupes homogènes et comparables. »
Des tests non remboursés peu fiables
S’agissant des tests d’identification directs payants, commercialisés en France, Allemagne, Belgique et aux Etats-Unis et préconisés par certaines associations de patients, le Pr Jauhlac les déconseille.
Il s’agit notamment de kits PCR commerciaux, de cultures et de microscopie sur fond noir. Le CNR estime que les performances des coffrets PCR commerciaux sont mal connues pour détecter les Borreliella. Il souligne néanmoins que la PCR est le seul outil diagnostique des Borrelia.
Or, selon le microbiologiste, « l’examen microscopique au fond noir ou en contraste de phase ne possède pas les performances suffisantes pour être utile au diagnostic biologique de la borréliose de Lyme ».
Questionné sur la fiabilité des autotests de Lyme, vendus dans les officines, le directeur du CNR a indiqué que la seule étude publiée montrait que leurs performances étaient « mauvaises ».