Démographie en baisse, perte d’attractivité ?
Les chiffres de la démographie des biologistes médicaux sont constamment en baisse depuis plus de 10 ans. L’effectif des pharmaciens1 a chuté de 16 % entre 2009 et 2022 (voir graphique). Du côté des médecins biologistes, la situation est plus stable : on est ainsi passé de 3 145 professionnels en 2020 à 3 121 en 2022. Cependant, leur moyenne d’âge est élevée (51 ans) et la démographie montre que les départs en retraite vont être massifs dans le futur. On s’attend donc à une baisse drastique de leur nombre2.
La profession est plutôt équilibrée : 60 % des pharmaciens sont des femmes, 52 % chez les médecins. Les pharmaciens biologistes exercent plus dans le privé (60 %, dont 18 % de salariés) et leur moyenne d’âge est de 49,5 ans. Chez les médecins, ils sont 37 % à exercer uniquement dans le secteur libéral et 37 % en milieu hospitalier, le reste présente une activité mixte.
Recrutement et internat
On entend toujours parler de manque d’attractivité du secteur. Pourtant, au niveau de l’internat, cette baisse concerne surtout les médecins. En pharmacie, depuis 10 ans, 100 % des postes sont pourvus, la filière récupérant même une partie des postes de médecine. Alors que le numerus clausus de la médecine stagne, celui concernant les pharmaciens biologistes augmente, avec 26 postes supplémentaires ouverts pour l’année 2024-2025. Toutefois, Philippe Piet, président de la section G de l’Ordre des pharmaciens, tempère : « Cela reste bien insuffisant pour combler les besoins sur le terrain. Dans la section G de l’Ordre, en 2022, il y a eu 113 primo-inscrits et 300 pharmaciens radiés, soit un solde négatif de 187. » De fait, que ce soit dans le privé ou le public, les postes vacants sont légion : en centre hospitalier, on recensait 539 postes de biologistes vacants en 2022. De leur côté, les Académies nationales de médecine et de pharmacie s’inquiètent, car l’attractivité se mesure aussi avec les préférences des internes. Or, en pharmacie, « le rang du dernier interne qui choisit la biologie médicale ne cesse de reculer, ces dernières années. Le rang maximum était 149e en 2013, 206e en 2017 et 261e en 2021, sur 517 postes. »
Métier en perte de sens ?
La perte d’attractivité n’est pas simplement due à une désaffection des jeunes qui ne seraient pas attirés par le métier. Ce phénomène est aussi le fruit de la désillusion d’un nombre croissant de biologistes en activité devant les évolutions du secteur : concentration par des groupes financiers, statut incertain, perte de sens du métier, manque de souplesse dans les parcours privé/public, contraintes financières de plus en plus lourdes, difficultés d’installation pour les jeunes, manque de reconnaissance professionnelle, etc.
Moins de biologistes mais plus de sites
En 2022, on compte 4 914 sites de laboratoire en France métropolitaine, soit une évolution de 3,2 % par rapport à 2021. Dans son étude sur la couverture territoriale de la biologie médicale3, Roche dénombre 6 762 « laboratoires d’analyse médicale », comprenant les laboratoires de ville et d’hôpital et les plateaux techniques ; 161 d’entre eux sont situés outre-mer.
Plus de quatre sites sur cinq sont exploités par des sociétés privées, majoritairement en sociétés d’exercice libéral (SEL). Depuis 2010, le nombre de SEL a diminué 68 % au niveau national, passant de 1 228 à 399 en 2022, dont 79 ayant des participations dans d’autres SEL. Au sein des laboratoires, les biologistes ne sont pas seuls, ils sont même de plus en plus minoritaires. Ainsi, le rapport de branche4 constate une baisse du pourcentage de biologistes dans la population globale de la branche : ils ne sont plus que 7 % en 2021, contre 14,5 % en 2017. Ce sont les biologistes non salariés qui disparaissent le plus.
Concentration des structures
De nombreuses SEL se sont progressivement fédérées pour constituer une dizaine de grands groupes qui se partagent environ 70 % du marché de la biologie médicale française du secteur libéral. L’évolution s’est faite suivant deux voies : le regroupement de biologistes indépendants et le rachat de LBM par des groupes financiers. En outre, les grands groupes sont aussi ceux qui emploient le plus de salariés. Les laboratoires de 200 salariés et plus, dont la proportion était de l’ordre de 5 % en 2016, représentent désormais 13 % des laboratoires de biologie médicale. Ces derniers emploient 54 % des salariés de la branche. La tendance au déclin des laboratoires de moins de 50 salariés se poursuit (36 % en 2021 contre 32,5 % en 2020).
Sources
- CNOP, Démographie pharmaceutique – Panorama au 1er janvier 2023. 2023 Jul.
- Académie nationale de médecine, Académie nationale de pharmacie, La Biologie médicale en France : évolutions et enjeux. Rapport biacadémique. 2022 Oct.
- Spin&Strategy pour Roche Diagnostics France, Les déserts médicaux sont-ils des déserts » diagnostiques » ? Géographie de l’accès au réseau de diagnostic médical et projections d’une offre » augmentée « . 2023 Mar.
- Rapport de branche 2022 des laboratoires de biologie médicale extrahospitaliers.