Maladie de Wilson : Diagnostic et suivi avec le cuivre échangeable

Pathologie génétique autosomique récessive, la maladie de Wilson est causée par des mutations sur le gène ATP7B codant pour une protéine de transport du cuivre, l’ATPase 7B, essentielle dans l’homéostasie du cuivre. Plus de 900 mutations sont décrites : aux généticiens, donc, de confirmer la pathologie en identifiant deux mutations (chacune portée sur un allèle différent) sur le chromosome 13. Cette mutation engendre une accumulation de cuivre dans l’organisme, initialement dans le foie puis dans le cerveau et l’œil.

Génétique et signaux faibles

Aurélia PoujoisLa docteure Aurélia Poujois, neurologue responsable du centre de référence coordonnateur de la maladie de Wilson, à Paris.DR

La maladie se manifeste par des signes hépatiques, neurologiques, psychiatriques, hémato- logiques et rhumatologiques. « Nous disposons d’un traitement ! », insiste la docteure Aurélia Poujois, neurologue responsable du centre de référence coordonnateur de la maladie de Wilson à Paris. Elle a décrit l’apport du cuivre échangeable pour cette pathologie lors des BIOMED-J, conjointement avec la docteure Nouzha Djebrani-Oussedik, biologiste au laboratoire de toxicologie biologique à l’hôpital Lariboisière à Paris.

« La présence élevée du portage hétérozygote sain devrait engendrer une prévalence clinique beaucoup plus élevée que ce qu’elle est, nous n’en connaissons pas encore les raisons, peut-être y a-t-il une pénétrance incomplète, des gènes modificateurs modulant l’expression du gène ATP7B muté, ou peut-être existe-t-il des formes tardives peu symptomatiques », indique la docteure Poujois. Il se peut donc que davantage de Wilsoniens doivent être détectés, pour pouvoir être soignés.

Régulation du cuivre

L’alimentation apporte 2 à 3 mg de cuivre par jour. Le foie est le régulateur majeur de ce métabolisme du cuivre dans lequel la protéine ATP7B joue un rôle prépondérant. Cette protéine a deux fonctions : d’une part, elle excrète le cuivre en excès dans la bile et, d’autre part, elle le lie à l’apocéruloplasmine pour former un complexe qui entre dans la circulation sanguine, l’holocéruloplasmine. Dans le sang, le taux de cuivre est composé majoritairement de cuivre lié à la céruloplasmine et d’une toute petite partie de cuivre libre : le cuivre échangeable.

Physiopathologie

Dans le cas pathologique, le dysfonctionnement de l’ATP7B engendre un stockage de cuivre dans le foie, dosable lors de biopsies hépatiques. En outre, ce métal n’est plus éliminé dans la bile et la partie libre du cuivre augmente dans la circulation sanguine avant d’être excrétée dans les urines. Ce cuivre non fixé à la céruloplasmine se propage à différents organes : œil, cerveau, sang, os, cœur ou système endocrinien. Si le diagnostic n’est pas rapidement posé, la maladie devient multisystémique. Le bilan biologique retrouve une baisse de l’holocéruloplasmine et de la cuprémie totale, et l’augmentation du cuivre libre.

Le foie en première ligne

Sur le plan hépatique, le tableau varie d’une hépatite aigüe à une cirrhose en passant par la découverte fortuite d’une hépatomégalie. La présentation la plus fréquente est la cirrhose chronique silencieuse compensée. Sur le plan neuro- logique, les symptômes les plus courants sont le tremblement, la dysarthrie, la dystonie, voire un syndrome parkinsonien. Les troubles psychiatriques sont fréquents, allongeant le délai diagnostique. L’IRM cérébrale montre, chez les patients neurologiquement atteints, des hypersignaux T2 ou FLAIR bilatéraux symétriques dans les ganglions de la base, le tronc cérébral ou le cervelet.

Marqueurs biologiques

Nousha Djebrani-OussedikLa docteure Nouzha Djebrani-Oussedik, biologiste au laboratoire de toxicologie biologique à l’hôpital Lariboisière, à Paris.DR

Sur le plan biologique, les anomalies du bilan hépatique sont explorées à la recherche d’une cytolyse, d’une cholestase ou d’une insuffisance hépato- cellulaire. En hématologie, une cytopénie est recherchée, ainsi qu’une hémolyse. Le bilan cuprique se caractérise par un abaissement de la cuprémie totale et de la céruloplasmine, une augmentation de la cuprurie de 24 heures et une augmentation du dosage du cuivre sur les prélèvements de biopsie hépatique, mais tous présentent de faux négatifs et de faux positifs. Il faut donc un autre biomarqueur, discriminant : c’est le cuivre libre, ou cuivre non lié à la cérulo- plasmine, appelé cuivre échangeable. Le rapport du cuivre échangeable sur le cuivre total, appelé REC (pour relative exchangeable copper), permet d’évaluer la fraction toxique du cuivre dans l’organisme et est largement utilisé comme biomarqueur diagnostique en pratique clinique.

Dosage du cuivre échangeable

Le protocole de dosage du cuivre échangeable se déroule en 3 étapes : incubation avec le chélateur EDTA pendant 1 heure, puis ultrafiltration à travers un filtre dont le seuil de coupure est de 30 000 daltons (retenant l’albumine et la céruloplasmine : seul le cuivre libre passe dans l’ultrafiltrat), et enfin dosage direct du cuivre sur cet ultrafiltrat. Les équipements doivent permettre le dosage des métaux avec une sensibilité suffisante : spectrométrie d’absorption atomique avec four ou spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif.

Les prélèvements sont acceptés à température ambiante jusqu’à 48 h. Au-delà, il faut centrifuger les tubes, décanter le plasma et faire l’envoi en carboglace. Le cuivre échangeable est alors stable jusqu’à 90 jours.

Le REC est spécifique et sensible

Une fois mesurés le cuivre échangeable et la cuprémie totale, le cuivre échangeable relatif, appelé REC, est calculé, soit le rapport entre le premier et le second. Cela représente la fraction toxique du cuivre. Chez un patient wilsonien, la cuprémie totale est plus faible et la part du cuivre échangeable est supérieure, donc le REC est supérieur à 14 % (moins de 8 % chez une personne non touchée).

En pratique, ces paramètres sont utilisés lors du diagnostic, car le REC a une spécificité de 95,8 % et une sensibilité de 99,8 %, ce qui permet la mise en place du traitement pour les patients avant les résultats génétiques. Le REC sert au diagnostic différentiel, car il reste normal dans les autres hépatopathies, chez les enfants comme chez les adultes. Le dosage du cuivre échangeable, quant à lui, est un marqueur de la sévérité de l’atteinte extrahépatique.

Inscription à la NABM en vue

« Cela évite, dans certains cas, les investigations plus lourdes réalisées avant l’avènement de ce biomarqueur, comme les biopsies hépatiques », assure la docteure Nouzha Djebrani-Oussedik.

Le régime des patients est pauvre en cuivre, accompagné d’un médicament, qui doit être pris à vie. Le suivi bio- logique doit être assidu : le cuivre échangeable doit se normaliser sous traitement et ne pas augmenter. Les bilans diffèrent selon les traitements. Le cuivre échangeable est aussi un reflet de l’observance. Ce paramètre est désormais inscrit au programme de travail de la HAS, en vue de son inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM).

Un plan national

Depuis 2005, la maladie de Wilson bénéficie d’un plan national maladies rares. Un réseau labellisé a été créé. Son centre de référence est à Paris (hôpital Fondation Rothschild), en lien étroit avec le laboratoire de toxicologie Lariboisière. Le centre constitutif est à Lyon et 8 centres de compétence sont répartis sur le territoire. Ce maillage important permet de diagnostiquer et suivre les patients. Environ 1 500 personnes atteintes de cette maladie sont recensées en France, mais il est probable que cette pathologie soit sous-diagnostiquée : en effet, la fréquence du portage hétérozygote sain est importante, aux alentours de 1 sur 36. Actuellement, 20 % des patients sont diagnostiqués lors d’un dépistage familial.

 

Pour aller plus loinCentre de Référence Maladie Rare CRMR Wilson