L’intelligence artificielle au service des patients diabétiques

S’il y a un domaine pour lequel l’intelligence artificielle (IA) change vraiment la vie des patients, c’est bien le diabète. Les systèmes d’intelligence artificielle sont des algorithmes, de deep learning ou de machine learning, capables de faire des déductions à partir d’un très grand volume de données.

Étant donné que les algorithmes ont été rapidement capables d’identifier dans une image des signaux pathologiques, à l’instar des systèmes automatisés de prédiagnostic du mélanome, une première application s’est concentrée sur le diagnostic de la rétinopathie diabétique, qui touche environ un tiers des patients diabétiques tous types confondus. Des systèmes d’analyse d’image permettent ainsi de mesurer le risque individuel avec des sensibilités et spécificités supérieures à 90 %. Les premières générations ont reçu un agrément la part de la FDA américaine dès 2018 et un marquage CE en 2016 en tant que dispositifs médicaux.

Pancréas artificiels

Le second volet d’outils développés à partir de l’IA concerne la nouvelle génération de pompes à insuline, dites aussi « pancréas artificiel » ou système en boucle semi- fermée. Ils associent un dispositif de perfusion d’insuline, un système de mesure continue de la glycémie et un module de contrôle pour commander la quantité nécessaire et suffisante d’insuline à chaque instant. Le développement de nouvelles pompes, plus fiables et confortables, tout comme la mise sur le marché d’analogues de l’insuline, d’action rapide, ont été des éléments cruciaux à leur performance. Toutefois, les pancréas artificiels ne pourraient pas fonctionner sans les algorithmes établissant une boucle fermée. Ces derniers sont d’ailleurs considérés comme des dispositifs médicaux à part entière.

Plusieurs familles d’algorithmes sont utilisées : les contrôles par modèle de prédiction (model predictive control ou MPC), qui anticipent les fluctuations de la glycémie pour maintenir la valeur dans un écart cible de concentration, les régulateurs PID (proportionnel, intégral, dérivé), qui analysent par rétrocontrôle la déviation de la glycémie pour calculer la quantité d’insuline à administrer, et les fuzzy logic (de logique floue), qui reproduisent rapidement les calculs de dose d’insuline effectués par des experts cliniques à partir de bases des données de surveillance. Les premiers sont les plus fréquemment utilisés dans les systèmes sur le marché français. Leurs versions récentes intègrent des modules de sécurité afin de réduire le risque d’hypoglycémie. « Ce ne sont jamais des boucles vraiment fermées, parce que le patient doit toujours renseigner ses repas, son activité physique et son sommeil », précise le Pr Éric Renard, chef du service Endocrinologie-Diabétologie du CHU de Montpellier. De tels systèmes sont, en France, remboursés pour tous les patients traités par insuline. « Ils intègrent plusieurs données du problème et permettent ainsi un meilleur traitement du diabète. La prise de décision est plus rapide », poursuit le spécialiste. Leur recours rend le contrôle du diabète plus physiologique et moins contraignant pour le patient.

Les principaux systèmes disponibles en France ont permis aux patients adultes d’avoir une glycémie interstitielle mesurée comprise entre 70 et 180 mg.dl-1 entre 65 et 74 % du temps, soit un gain d’environ 10 % en comparaison des boucles ouvertes1. Chez les enfants souffrant de diabète de type 1, on mesure une augmentation significative du temps dans la cible (55,77 % contre 67,59 %) et une réduction significative du temps en hypoglycémie (1,7 % contre 2,79 %) et du temps en hyperglycémie.

Les spécialistes de la technologie promettent à l’avenir des appareils totalement automatisés. « Les boucles fermées se confrontent à la limite des pompes sous-cutanées. Il faudrait des voies péritonéales pour gagner en réactivité », répond Éric Renard. En effet, la latence liée à la mesure de la glycémie interstitielle par voie sous-cutanée ne permet pas d’imaginer un système capable d’envoyer le bolus d’insuline nécessaire à un changement métabolique important, comme un repas ou une activité physique. Des études sont également menées avec des boucles complètement fermées sur des patients avec un diabète de type 2, traités par insulinothérapie et ne nécessitant pas de bolus de repas.

La prévalence croissante du diabète de type 2 et de l’obésité a entrainé le développement d’un grand nombre d’outils destinés à aider chaque personne à estimer son risque individuel. C’est le cas du questionnaire « type 2 diabetes: know your risk » développé par l’Université de Leicester, mais aussi de l’exemple finlandais Findrisc (disponible en français et recommandé par la Haute Autorité de santé). Ces deux tests s’appuient sur une analyse d’un grand jeu de données assistée par machine learning afin de produire une estimation du risque la plus fine possible.

Nombreuses pistes

Toutes les utilisations de l’IA ne sont pourtant pas des succès. Souvenez-vous des logiciels promettant d’estimer l’apport glycémique à partir d’une simple photo d’une assiette… « Dans ce cas, l’interprétation est extrêmement difficile selon la manière dont est prise la photo. La standardisation est cruciale et on commence à voir que ce ne sont pas toujours des systèmes fiables », prévient Éric Renard. Dans le futur, de nouvelles approches de dépistage pourraient se concrétiser. Certaines sont des méthodes opportunistes, elles proposent de profiter d’autres examens médicaux pour identifier un risque de diabète. Des études envisagent aussi des systèmes capables de repérer des personnes à risque de diabète de type 2 à partir d’un enregistrement d’électrocardiogramme ou d’une radio thoracique. Pour cette dernière, le système a identifié 1 381 cas suspects (14 %) dans une cohorte de 9 943 patients2. La validation secondaire a diagnostiqué un diabète chez un tiers d’entre eux.

Encore plus fort, des chercheurs d’une société canadienne ont publié récemment une preuve de concept pour un système de prédiction par machine learning capable de discriminer, à partir d’un simple enregistrement de la voix d’une durée de 10 secondes, une personne atteinte de diabète de type 2 d’une personne non diabétique. Autant d’idées intéressantes qui ont encore un long chemin à parcourir avant d’être appliquées à grande échelle, mais qui préfigurent l’envergure des transformations à venir grâce à l’IA.

Références

  1. Franc et al., Médecine des Maladies Métaboliques. 2020;14(5):S1-S40.
  2. Pyrros et al., Nat Commun. 2023 Jul 7;14(1):4039.