MSInsight explore l'espace diagnostique des microsatellites

L’aventure ne date pas d’hier. Arnaud Cutivet, dirigeant et cofondateur de MSInsight, tient à le rappeler. « Cela fait plus de vingt ans qu’une équipe de recherche pluridisciplinaire de l’hôpital Saint-Antoine et de l’Inserm, à Paris, travaille sur les cancers MSI. Ces derniers sont une famille de cancers qui représentent 5 % de l’ensemble des cas de cancers dans le monde et qui sont caractérisés par une instabilité au niveau du génome qu’on appelle MSI. La mise en évidence de l’instabilité des microsatellites est un enjeu clinique majeur pour orienter la prise en charge des patients », introduit-il. Ces microsatellites sont présents dans plus de 30 types de cancers différents.

« Si la présence d’une instabilité des microsatellites est caractérisée dans l’ADN de la tumeur d’un patient, elle indique que la tumeur d’un patient sera sensible à certaines immunothérapies. Ces traitements sont très efficaces, à même d’éradiquer certains cancers de cette famille sans même la nécessité de faire appel à la chirurgie. »

L’outil MSIcare

Menée par le professeur Alex Duval, directeur de recherche en biologie moléculaire à l’hôpital Saint-Antoine, l’équipe de recherche a récemment mis au point un outil diagnostique appelé MSICare. Il permet d’identifier l’instabilité des microsatellites comme une caractéristique du cancer grâce à des algorithmes bio-informatiques, à partir de l’analyse fine du génome tumoral. Les premiers tests sont concluants, notamment dans le cancer colorectal. « Aujourd’hui, nous avons déjà démontré l’efficacité de MSICare dans le cancer colorectal. Par ses performances, l’outil surpasse les autres méthodes diagnostiques. Nous travaillons à démontrer la supériorité de notre outil dans toutes les tumeurs sur plusieurs milliers de tumeurs de patients. »

Arnaud Cutivet rappelle la robustesse de son modèle. « Nos modèles d’analyse sont établis à partir de données récoltées depuis 30 ans par les hôpitaux de Paris. »

Une aide au choix thérapeutique

MSInsight porte une vision de médecine personnalisée. Une fois les données de séquençage de la tumeur générées, l’oncologue, en utilisant la plateforme logicielle de la startup, peut savoir si la tumeur du patient est porteuse d’une instabilité des microsatellites ou pas. L’analyse par MSIcare est rapide, entre 1 et 2 heures pour un génome complet.

Les modèles ont été validés sur des patients dont le cancer a été confirmé. « Nos solutions diagnostiques permettent d’identifier des informations cruciales au niveau de l’ADN des patients afin de prédire le succès des traitements. Cette couche d’information supplémentaire oriente l’oncologue dans sa décision de traitement, que ce soit de la chimiothérapie ou de l’immunothérapie. »

Une généralisation à tous les cancers ?

Le champ d’application s’étend à une multitude de types de cancers. La startup ambitionne une utilisation massive dans la détection d’une instabilité des microsatellites. « Bien qu’efficace dans la recherche de MSI dans les cancers colorectaux, la PCR et l’immunohistochimie manquent de sensibilité dans les autres types de cancers et présente un taux d’erreur de 5 à 10 % . Cela constitue une perte de chance dramatique pour le patient en termes de traitement. Notre ambition est de généraliser la recherche de présence de MSI à tous les types de cancers, pas uniquement les colorectaux », avance le dirigeant.

Détection de MSI par simple prise de sang

MSInsight travaille, en parallèle, sur deux autres tests pour l’identification de MSI. Le premier champ concerne l’ADN tumoral relargué par la tumeur et circulant dans le sang. « Bien davantage que la PCR, qui n’est pas performante sur ce plan, le NGS permet de rechercher, avec MSICare, le biomarqueur MSI par simple prise de sang, donc de manière non invasive. Cela ouvre un champ absolument phénoménal en termes de monitoring de la réponse au traitement, car on pourra, par exemple, rechercher la présence de MSI chez des patients dont la tumeur n’est pas opérable ou accessible », projette le cofondateur.

L’autre piste sur laquelle l’équipe travaille concerne la détection précoce des personnes à risque de développer un cancer MSI. « Il s’agit d’une autre brèche technologique sur laquelle on se positionne, mais à un stade de R&D plus précoce que notre approche à partir de l’ADN tumoral. Il s’agit d’évaluer le risque de prédisposition de survenue d’un cancer en analysant non plus l’ADN tumoral, mais l’ADN normal. Nos études portent sur des formes de cancers héréditaires. »

Recherche d’investisseurs

La startup souhaite désormais grandir. Après avoir été soutenue par Bpifrance avec sa bourse « French Tech Emergence » et avoir été lauréate du programme i-Lab 2023 pour les deeptech, MSInsight boucle actuellement sa première levée en ouvrant son capital à des réseaux de business angels. Pour Arnaud Cutivet, les perspectives sont réelles. Il l’explique notamment par un nombre croissant de malades et un « marché exponentiel ».

« Il y a un besoin de plus en plus prégnant de pouvoir faire ce dépistage. Aujourd’hui, 19 millions de patients dans le monde ont un cancer. Dans dix ans, ce sera 24 millions. Et l’incidence va augmenter de 20 % par décade dans les années à venir. Le marché de l’évaluation des biomarqueurs génomiques pour faire de l’orientation thérapeutique est estimé à 11 milliards d’euros dans le monde et, sur le segment précis du MSI, le marché avoisine les 400 millions. »