Nouvelles recommandations pour les dysthyroïdies

La HAS a publié en 2023 des recommandations pour la prise en charge des dysthyroïdies. Le Dr Véronique Raverot, biologiste au CHU de Lyon, et le Pr Jean-Michel Petit, endocrinologue au CHU de Dijon, les ont présentées lors des BIOMED-J, fin mai car elles sont le fondement des changements dans la nomenclature des actes qui a cours depuis le 7 mai.

Agnès Bourahla-Farine, publié le 04 juillet 2024

Nouvelles recommandations pour les dysthyroïdies

Contexte

Une décision de l’UNCAM en date du 22 mars 2024 (après un vote de la commission de hiérarchisation des actes de biologie – CHAB – a été publiée au JO du 30 avril 2024. Cette décision modifie le chapitre 10, Hormonologie, de la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM). Elle met la nomenclature en conformité avec les recommandations de la HAS dans un contexte de maîtrise médicalisée. Les modifications s’appliquent depuis le 7 mai 2024.

La prévalence des maladies de la thyroïde augmente. Auw Etats-Unis, estimée à 5% dans une cohorte de 57 540 participants observée entre 1999 et 2018, elle a ainsi présenté une augmentation significative entre la période 2015-2018 et la période 1999-2002, indique une étude parue en 2023. Ce chiffre tend à être plus élevé chez les femmes, et les personnes de plus de 60 ans.  L’une des plus importantes est l’hypothyroïdie. Asthénie, somnolence, hypothermie, frilosité, constipation, atteinte cutanée, crampes, myalgies sont autant de signes de l’hypothyroïdie sévère, moins fréquente aujourd’hui que les hypothyroïdies dites frustes. Les algorithmes proposés par la HAS pour le diagnostic chez l’adulte de moins de 65 ans préconisent un dosage de TSH seule en première intention : si la TSH est dans les valeurs de référence, l’hypothyroïdie est exclue. Le prescripteur doit préciser le contexte : diagnostic initial ou contrôle, traitement éventuel du patient.

Un procédure en cascade

Des paramètres complémentaires peuvent être demandés en cascade : si la TSH est supérieure à 10 mUI/L, il est possible de réaliser d’emblée le dosage de T4 libre, l’ampleur de l’hypothyroïdie étant ainsi évaluée. La T3 libre n’est pas recommandée dans le diagnostic. Une fois celui-ci posé (TSH élevée), une T4 sous les valeurs de référence révèle une hypothyroïdie avérée, une T4 normale indique une hypothyroïdie fruste. Le diagnostic étiologique est établi par dosage des anticorps anti-thyroperoxydase (anti-TPO) qui, positifs, signent une pathologie auto-immune. Le titre des anticorps, non pathogènes en tant que tels, ne doit pas être suivi.

Le traitement est la levothyroxine, qui améliore les symptômes. Le dosage de TSH est effectué à 3, 6 mois, puis annuellement. En cas de modification de la marque de levothyroxine, il faut contrôler la TSH 6 à 12 semaines après.

Chez les adultes de plus de 65 ans, souvent sur-traités par levothyroxyne, les valeurs de référence par rapport à la population plus jeune sont élargies : la limite supérieure de la normale de TSH est la décennie d’âge du patient.

Cas des femmes enceintes

Durant la grossesse, une femme atteinte d’hypothyroïdie doit augmenter sa posologie de lévothyroxine d’un tiers et un traitement par T3 est contre-indiqué, à cause des répercussions sur le développement neuro-cognitif de l’enfant.

portrait Dr Raverot

Le Dr Véronique Raverot

« La TSH est prescrite en début de grossesse si la patiente a des antécédents de dysthyroïdie, un traitement, une maladie auto-immune, des antécédents d’accouchement prématuré, de fausses couches spontanées, d’infertilité, des anti-TPO détectés, ou si elle est âgée de plus de 35 ans ou a un IMC supérieur à 40 », énumère le Dr Raverot. Pour une TSH à moins de 2,5 mUI/L, pas de surveillance thyroïdienne spécifique. Si elle est à plus de 2,5 mUI/L, les anti-TPO sont dosés. Pour une TSH de 2,5 à 4 mUI/L, si les anti-TPO sont négatifs, la surveillance est arrêtée, s’ils sont positifs, le traitement se discute. Pour une TSH supérieure à 4, la patiente est traitée d’emblée. L’objectif de TSH durant la grossesse est autour de 2,5.

Les cas d’hyperthyroïdie

L’hyperthyroïdie, fréquente aussi, touche davantage les femmes. Non prise en charge précocement, elle peut aboutir à un état de cachexie. Dans l’hyperthyroïdie fruste, la TSH est basse, la T4 libre normale, dans l’hyperthyroïdie avérée, la TSH basse et la T4 libre élevée. 70% sont dues à une maladie de Basedow. Autres étiologies : nodules, thyroïdites, causes iatrogènes comme les surcharges iodées. Le diagnostic de maladie de Basedow est immédiat en cas d’exophtalmie ou de myxœdème pré-tibial. Signes cliniques ? Tachycardie, nervosité, tremblements, palpitations, amaigrissement, essoufflement, faiblesse musculaire.

Protocole diagnostique

Le diagnostic biologique implique la TSH seule en première intention. Le contexte doit figurer sur l’ordonnance. Si le dosage en cascade est demandé, la T4 libre peut se mesurer d’emblée sur une TSH trouvée basse. La T3 étaye le diagnostic. Si au 1er dosage, la TSH est entre 0,1 et 0,4 mUI/L, un contrôle 6 semaines après montre dans 1/3 des cas un retour dans les valeurs de référence. Si la TSH reste basse, la T4 libre caractérise alors une hyperthyroïdie fruste ou avérée. Si la T4 libre est normale, la T3 libre est dosée : rare, une hyperthyroïdie à T3 est toutefois possible. Pour le diagnostic étiologique, un dosage positif des anticorps anti-récepteurs de la TSH, appelés TRAKs, indique une maladie de Basedow. En l’absence de TRAKs, l’imagerie est réalisée.

Un patient atteint d’hyperthyroïdie avérée est traité par antithyroïdien de synthèse qui dissipe les symptômes et restaure l’euthyroïdie. Des bêta-bloquants sont parfois adjoints. Pour l’hyperthyroïdie fruste, la surveillance peut suffire. Une fois l’euthyroïdie restaurée, se pose la question du traitement étiologique. L’iode 131 ou la chirurgie sont envisagées, voire la prise au long cours d’antithyroïdiens de synthèse. Le sevrage tabagique est primordial.

En cas de traitement, la surveillance biologique est nécessaire. Les antithyroïdiens de synthèse, dont le délai d’action est de 10 jours, sont des molécules agissant sur la thyropéroxidase, bloquant la synthèse des hormones thyroïdiennes. Il faut compter 3 semaines pour que décroisse la T4 libre, voire la T3. Ces dosages de T3 et T4 sont réguliers jusqu’à leur normalisation. Une fois ces hormones revenues dans les valeurs de référence, l’hypophyse reçoit le signal que la concentration en thyroxine est correcte, la TSH augmente. Dosée dès le retour à la normale de la T4 libre, la TSH est suivie tous les 2 à 4 mois.

En cas de maladie de Basedow, le dosage des TRAKs est répété quand l’arrêt du traitement est envisagé : une fois stoppés les anti-thyroïdiens de synthèse, la TSH est ensuite contrôlée 6 à 8 semaines après, puis 3 mois après, 6 mois, puis tous les ans.

Le traitement par iode 131 peut provoquer une hypothyroïdie, augmentant la TSH, dont le suivi sera régulier. En cas de thyroïdectomie totale, le patient est substitué par Levothyroxine. Pour une lobectomie simple, le biologiste évalue si le restant supplée ou non la fonction thyroïdienne totale : la TSH est dosée 6 à 8 semaines après lobectomie. Le Dr Raverot conclut : « Les modifications de nomenclature concernent aussi les cliniciens, pour les contextes de prescription. »

Références

  • Zhang X, Wang X, Hu H, et al. Prevalence and trends of thyroid disease among adults, 1999–2018. Endocr Pract 2023; 29:875–880.