Le retour de la coqueluche

"On n'a pas vu ça depuis 40 ans !" s'est exclamé Sylvain Brisse, responsable du CNR de la coqueluche et autres bordetelloses à l'Institut Pasteur sur l'antenne de France Info. La coqueluche a fait la Une des journaux et télé avec une épidémie qui sévit depuis le début de l'année dans le monde entier. Recommandations et perspectives.

Par Sophie HOGUIN, publié le 12 juin 2024

Le retour de la coqueluche

Après une première alerte en avril, le ministère de la santé a finalement publié le 7 juin, un DGS-urgent pour faire le point sur l’épidémie de coqueluche et rappeler les précautions à prendre, le protocole de signalisation et les recommandations pour le traitement et la limitation de la propagation de l’épidémie.

Il faut dire que les chiffres sont plutôt impressionnants :

« Sur les 5 premiers mois de l’année 2024, les données des laboratoires de détection recensent près de 7000 PCR positives (contre 518 pour toute l’année 2023) et les données du réseau hospitalier RENACOQ rapportent 46 cas chez des nourrissons de moins de 12 mois (contre 41 cas en 2023). Les données des réseaux OSCOUR et SOS médecins montrent également une très forte hausse des indicateurs avec un nombre d’actes classés « coqueluche » multiplié par 7 entre la semaine 11 et la semaine 22. »

Une épidémie européenne…

Une résurgence qui ne concerne pas que la France mais aussi plusieurs autres pays européens et d’autres pays dans le monde. L’ECDC (European control disease center) recensait ainsi  fin mai 32 037 cas entre le 1er janvier et le 31 mars 2024 contre 25 130 cas de coqueluche en 2023. L’institution européenne nuançait tout de même la gravité de la situation, rappelant que il était courant de voir une résurgence de la coqueluche tous les 3 à 5 ans et que les chiffres 2024 restaient, à ce jour, dans les mêmes proportions que 2016 (41 026) ou 2019 (34 468).

Et mondiale

Partout ailleurs dans le monde, le constat est identique. Ainsi, par exemple, le Québec, relevait fin mai plus de 900 cas depuis le début 2024. La Chine enregistrait ainsi plus de 30000 cas sur les seuls mois de janvier et février 2024 contre 1500 en 2023. LE CDC américain précise de son côté que depuis le début de l’année le nombre de cas a été multiplié par 3 par rapport à 2024, confirmant un retour à une prévalence de la coqueluche du même ordre que l’avant-Covid.

Quid de la protection vaccinale ?

Le débat sur la pertinence de la vaccination massive revient régulièrement sur le devant de la scène face à ces épidémies. Les autorités rappellent qu’à ce jour, la vaccination confère une protection très efficace mais qu’elle nécessite des rappels réguliers et qu’il est particulièrement important de veiller à la vaccination des femmes enceintes, des nourrissons dès deux moi, et de respecter le calendrier vaccinal pour assurer la poursuite de la protection. Le ministère souligne ainsi que « Les nourrissons trop jeunes pour être vaccinés (ceux âgés de moins de 2 mois), les nourrissons de moins de 6 mois et les adolescents et les adultes qui ont perdu la protection due au vaccin sont les populations les plus touchées. »

Comme le révélait une étude récente, B. pertussis subit des évolutions dues à la pression vaccinale et son mode de transmission se fait aussi via les personnes asymptomatiques. Il est donc particulièrement nécessaire, en parallèle de la vaccination de respecter les recommandations du HSCP de 2022.

L’apparition d’une antibiorésistance

Le CNR coqueluche et bordetellose, explique dans son communiqué de juin que : « deux souches résistantes aux macrolides ont été identifiées en France en février et avril 2024, alors qu’une seule souche résistante avait été identifiée jusqu’à présent, en 2011. Les macrolides (azithromycine, clarithromycine) sont les antibiotiques de choix pour le traitement de la coqueluche, et la résistance de Bordetella pertussis à ces antibiotiques est très élevée dans les régions asiatiques (particulièrement en Chine), mais reste rare en dehors de cette zone. »

Signaler et transmettre

Le CNR insiste sur la vigilance de tous les acteurs du soin tant pour le « diagnostic et de la prise en charge des patients présentant des symptômes évocateurs de la coqueluche que pour les personnes contacts. » Les cas groupés « à partir de 2) ou clusters doivent être signalés aux ARS.

Doivent être être adressés au CNR les souches de B. pertussis isolées ou les prélèvements si :

  • La charge bactérienne est élevée (Ct pour cible IS481/IS1001 ≤ 20 ou Ct pour ptxP [toxine de pertussis] < 30 ou PCR syndromique Filmarray positif),
  • L’échantillon est issu de nourrisson atteint de coqueluche sévère (hospitalisé en réanimation). 

Si les laboratoires sont en mesure de mettre en place la culture de B. pertussis et que celle-ci réussit, l’antibiogramme devrait
être réalisé localement puis vérifié au CNR.

Longue, contagieuse et mortelle pour les nourrissons

La coqueluche provoque une toux très intense avec des quintes qui semblent n’en plus finir. Les symptômes peuvent durer plusieurs semaines, ce qui lui a valu le nom de « maladie des 100 jours ».  Elle empêche souvent un sommeil réparateur et affecte donc logiquement plus gravement les personnes déjà fragilisées (personnes âgées, enfants et surtout nourrissons). Les cas les plus graves touchent les nourrissons en dessous de 6 mois et l’infection peut être mortelle, notamment chez les plus jeunes (moins de 2 mois) qui n’ont pas encore pu être vaccinés. Le port du masque et l’isolement sont deux bons moyens d’éviter la contagion d’autres personnes car c’est une des maladies les plus contagieuses. A titre de comparaison, dans un contexte sans vaccination, le taux de reproduction de la coqueluche est estimé à Ro entre 15 et 17 alors que pour le Covid il est de l’ordre de 1,5.