Mayotte : choléra et colère des cieux
Deux jour avant le passage dévastateur du cyclone Chido sur Mayotte, l'Institut Pasteur annonçait que l'épidémie de choléra qui a sévit au printemps sur l'île était due à une souche hautement résistante aux antibiotiques. L'état de l'île, sans eau, sans électricité, sans nourriture, fait désormais craindre le pire aussi au niveau infectieux pour les mois à venir..
Ironie numéro 1 : aléa climatique, risque et politique migratoire
Un article de Mayotte la 1ere – chaîne de France Info, se faisait l’écho du « plus grand décasage de l’histoire de l’île ». C’est à dire l’expulsion de plusieurs milliers de personnes précaires et la destruction de leurs habitations d’un terrain réservé pour un futur éco-quartier…
Entre le 14 et 16 décembre 2024, la nature a montré sa supériorité. Et tout comme les nuages radioactifs ne s’arrêtent pas aux frontières, les cyclones ne font pas de distinction entre un bidonville légal et un bidonville illégal. Chido a donc tout rasé. Tout mis à plat en quelque sorte.
Ironie numéro 2 : le choléra, lui, résiste aux cyclones
Le 19 septembre 2024, nous écrivions, « L’épidémie de choléra qui s’est déclarée au printemps à Mayotte semble à présent terminée. Toutefois, les autorités restent très prudentes au vu de la situation internationale et de l’arrivée de la saison des pluies.«
C’était être bien en-dessous des pires craintes possibles et envisageables. La situation était précaire, elle est maintenant plus que critique : même les faibles structures de soins sont à terre, l’eau potable a disparu, l’assainissement n’en parlons pas. La réserve sanitaire a d’ailleurs été activée ce lundi.
Mais c’était sans compter dans l’ironie des annonces. Et le timing de parution de l’étude de l’Institut Pasteur vaut ainsi son pesant d’or… un communiqué de presse du 12 décembre diffusait ainsi la nouvelle que l’épidémie de choléra 2024 à Mayotte (221 cas recensés dont 5 décès) a été causée par une souche de choléra hautement résistante.
Dissémination sur 2 ans
L’étude menée par des chercheurs du CNR Vibrions et choléra en collaboration avec le CH de Mayotte révèle que la souche mise en cause est la même que celle identifiée pour la première fois au Yémen en 2018-2019, retrouvée ensuite au Liban (2022), au Kenya (2023), puis en Tanzanie et aux Comores – dont Mayotte, en 2024. Cette souche est résistante à 10 antibiotiques, dont 2 des 3 recommandés (azithromycine et ciprofloxacine). Aujourd’hui, les antibiotiques sont utilisés en complément de la réhydratation. Ils permettent de réduire la durée de l’infection et d’aider à rompre les chaînes de transmission.
De la menace de l’antibiorésistance
« Cette étude met en évidence le besoin de renforcer la surveillance mondiale de l’agent du choléra et en particulier de pouvoir connaître son comportement vis-à-vis des antibiotiques en temps réel. Si cette nouvelle souche qui se propage actuellement devait acquérir une résistante additionnelle à la tétracycline, cela compromettrait alors tout traitement antibiotique par voie orale » conclut le Pr François-Xavier Weill, responsable du CNR des Vibrions à l’Institut Pasteur, dans le communiqué de l’Institut.