Choléra à Mayotte, l'ARS fait le point

A l'occasion d'une conférence de presse, mardi 21 mai, l'ARS de Mayotte a fait le point sur les cas de choléra qui sévissent sur l'île. Si les discours se veulent rassurants, les chiffres et la situation sanitaire et sociale sur place ne vont pas forcément dans le même sens.

Par Sophie HOGUIN, publié le 23 mai 2024

Choléra à Mayotte, l’ARS fait le point

C’est sur le salon SantExpo qu’Olivier Brahic, directeur général de l’ARS de Mayotte, a fait le point sur les cas de choléra à Mayotte. Qualifiant l’épidémie de “contenue”, dans la même veine que le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux qui déclarait 10 jours plus tôt que la situation était “sous contrôle”.

Croissance exponentielle

Pourtant les chiffres brut des malades font état au 21 mais de 94 cas dont 7 patients hospitalisés en réanimation et le décès d’une fillette de 3 ans. Depuis le 18 mars, date du premier cas mahorais officiel, le recensement des cas cumulés a une courbe exponentielle

  • 22 avril : premier cas autochtone
  • 26 avril : 14 cas
  • 2 mai 39 cas
  • 8 mai : 59 cas + 4 probables
  • 15 mai : 85 cas
  • 21 mai : 94 cas

Un peu tôt pour dire que la situation est réellement contenue. D’autant que ces chiffres sont ceux des cas recensés et confirmés biologiquement. Mais le choléra est arrivé avec des migrants d’Afrique de l’Est et des Comores – généralement clandestins. Qui donc n’osent pas se présenter dans les centres de soins ou appeler les secours par crainte d’être arrêtés et expulsés. Et les cas surviennent dans les bidonvilles au sein de populations fragilisées. En outre, les soignants sont en sous-effectifs et les malades n’ont pas forcément accès aux tests biologiques.

Un contexte de pénurie d’eau 

Dans ce département, le plus pauvre de France, cela fait des mois qu’il y a une pénurie d’eau. Plus d’un quart des habitants n’a pas accès l’eau courante, le système d’assainissement est déficient (voire absent). L’insalubrité et la pauvreté de ces quartiers est propice au développement de l’épidémie.

L’appel à la réserve sanitaire

Déjà en temps “normal”, le centre hospitalier de Mayotte (unique hôpital pour 310 000 habitants) fonctionne en sous-effectif. Santé Publique France envoie régulièrement des volontaires de la Réserve sanitaire pour faire face aux pénuries des effectifs des soignants. Actuellement 85 personnes de la Réserve sanitaire sont sur place dont 54 spécifiquement allouées au choléra. SpF appelle d’ailleurs à mobiliser toujours plus de volontaires. Sur place, un protocole de prise en charge a été mis en place. Dès qu’un cas suspect est localisé, une équipe est dépêchée sur place pour réaliser un TROD. Si le test est positif, le foyer est désinfecté, les cas contacts sont vaccinés et font l’objet d’une antibiothérapie prophylaxique. Au 21 mai, 4978 personnes avaient pu bénéficier d’un vaccin, dont les intervenants de première ligne (comme prévu par le palier 2 du protocole de gestion édicté par le HCSP). Pour le moment, les autorités n’envisagent pas de vaccination de masse. Les vaccins contre le choléra étant en pénurie au niveau mondial et certains d’entre eux, pas adapté à une vaccination massive.

Une vigilance pour plusieurs moisEn tout état de cause, la vigilance de l’ARS va rester à son maximum pendant au moins plusieurs mois. Déjà fin 2023, les pénuries d’eau avaient engendrées une épidémie de gastro-entérites avec de nombreux cas graves. Tant que la situation sociale et sanitaire ne sera pas améliorées pour les populations des bidonvilles, notamment avec un accès à l’eau potable et un système d’assainissement opérationnel, le choléra et de nombreuses autres épidémies seront susceptibles de survenir à Mayotte.<

Des sérotypes classiques

La souche isolée à Mayotte et importée des Comores est une souche de V. cholerae du sérogroupe O1, sérotype Ogawa, appartenant à la lignée 7PET, précise le HCSP. Cette souche est ciblée par les vaccins actuellement homologués.

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