L’Accréditation… et après

Tribune libre Biologiste infos 1. La consolidation des structures. La nécessaire modernisation de la Biologie Médicale française a fait l’objet, au cours de la dernière décennie, d’une réflexion de la part de cercles limités de spécialistes. Un élément clé était la différence entre l’organisation de la biologie médicale en France et celle observée dans les […]

Par Steven DIAI, publié le 20 décembre 2012

L’Accréditation… et après

Tribune libre

Biologiste infos

1. La consolidation des structures.

La nécessaire modernisation de la Biologie Médicale française a fait l’objet, au cours de la dernière décennie, d’une réflexion de la part de cercles limités de spécialistes. Un élément clé était la différence entre l’organisation de la biologie médicale en France et celle observée dans les pays de l’Europe du Nord, aux Etats-Unis, au Canada ou au Japon. En Europe, des disparités existent aussi. Avec ses 80 millions d’habitants, l’Allemagne se suffit d’un millier de biologistes actifs dans 400 laboratoires de biologie médicale alors que la France, et ses 65 millions d’habitants, comptait, jusqu’il y a peu de temps, des effectifs 10 fois supérieurs : 10 000 biologistes dans 4000 laboratoires.

La publication, début 2010, de l’Ordonnance « Ballereau » a sonné le début d’une agitation intense touchant l’ensemble de la Profession. Une des manifestations a été le regroupement des laboratoires dont le nombre est en rapide diminution. Il est trop tôt pour faire le bilan des conséquences de cette ordonnance sur les aspects organisationnels, financiers et sociaux. Mais force est de constater, et certains le regrettent, que l’évolution se fait vers le modèle « nord-américain ».

 

2. L’accréditation des pratiques.

Un élément clé de l’Ordonnance « Ballereau » est de soumettre la réalisation des examens de Biologie Médicale aux exigences de normes établies par l’ISO, (International Organization for Standardization). Aucun biologiste ne peut, maintenant, ignorer la norme NF EN ISO 15189, à laquelle s’ajoute la norme 22870 qui s’applique à la biologie délocalisée. L’accréditation, certifiant que les pratiques se font dans le respect des normes, est le moteur de l’évolution souhaitée par l’Ordonnance. Elle se traduit par une amélioration générale de la réalisation des analyses. Avec une répétabilité et une reproductibilité affinées, la précision de la mesure de nombreux paramètres biologiques bénéficie d’une amélioration incontestable ; corrélativement, l’incertitude sur les mesures a diminué. Les dosages sont meilleurs qu’ils ne l’étaient avant de satisfaire aux exigences de l’accréditation.

Il faut aussi souligner, dans cette évolution, la part prise par l’Industrie du Réactif qui est passée d’un marché ponctuel de produits à celui de solutions organisationnelles globales répondant à l’ensemble des activités des laboratoires concernés. L’effort des différents partenaires est en priorité dirigé vers la robotique et l’informatique avec la formation de personnel en adéquation avec cette évolution des tâches. Conséquence notable : le recrutement de personnel de niveau « Master », notamment mais pas seulement, et la création de nouveaux métiers comme celui d’Ingénieur Qualité.

Un autre point évoqué plus haut est celui de la taille croissante des laboratoires de biologie. A un certain niveau d’activité, les laboratoires devront également satisfaire aux critères de respect de l’environnement selon la norme NF EN ISO 14001.

 

3. L’étalonnage des dosages.

La réforme de la Biologie a pour exigence constitutive une plus grande précision dans les dosages. En toute logique, il devrait s’y ajouter l’exigence d’une amélioration de la spécificité et de la sélectivité des dosages. Un tel accroissement de la justesse assurerait une plus grande pertinence entre ce qui est réellement dosé et ce qui est prétendu l’être. Ce problème de l’étalonnage ou de la « standardisation » des dosages n’a pas la place majeure qu’il devrait avoir dans la réforme en cours.

A l’appui de ces propos, il faut se référer à la littérature médicale, telle qu’on peut la consulter sur Medline. Elle abonde en publications (72 000) traitant de problèmes d‘étalonnage. Une bonne moitié (39 000) concerne le domaine des dosages biologiques et près de 13 000 celui des paramètres sanguins. Les travaux relatés dans ces publications sont pour la plupart d’excellente qualité, mais ils n’ont pas eu l’impact escompté. Pour harmoniser les différents dosages, une des solutions proposées pourrait reposer sur l’utilisation de préparations étalons dites « Biological Reference Preparations », telles que celles distribuées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) notamment.

La standardisation des dosages réclame une concertation de l’ensemble des partenaires de la Biologie Médicale accompagnés de scientifiques et de philosophes. Un exemple d’écueil à surmonter est la définition même de la notion de standardisation :

  • pour l’ISO, « a standard is a document that provides requirements, specifications, guidelines or characteristics that can be used consistently to ensure that materials, products, processes and services are fit for their purpose. »1 ;
  • pour l’OMS, « a standard is a Biological Reference Preparation which serves as a reference source of defined biological activity expressed in an internationally agreed unit. »2.

Ces deux définitions sont tout aussi légitimes…qu’incompatibles : les deux placent également l’Homme face à ses devoirs, mais l’une est exigence à des critères dictés par l’Homme ; l’autre est soumission à la diversité de la Nature. Descartes et Darwin face à face…

 

4. L’enjeu médical.

Les discordances entre méthodes de dosage sont une réalité à laquelle le médecin traitant, généraliste le plus souvent, est confronté. Certes, le résultat d’une analyse de biologie doit être accompagnée de la mention des valeurs de référence; le bon sens avant même l’Accréditation l‘exigeait. Ceci ne suffira pas, en cas d’erreur, à exonérer la Biologie Médicale de ses responsabilités : avant d’accabler le médecin, rappelons la perte récente d’un satellite d’exploration de la planète Mars, à cause d’une confusion entre centimètres et pouces…

Face au problème de la discordance des mesures d’une trousse à l’autre, donc d’un laboratoire à l’autre, la parade est, pour le clinicien, de confier à un unique laboratoire le soin de réaliser les explorations biologiques de tous ses patients. C’est une pratique dispendieuse mais elle apporte une certaine sécurité. Plus subtile, pour parer l’incertitude des résultats des dosages, d’aucuns appliquent le principe de précaution : surestimer la valeur pathologique du résultat obtenu. On est ici dans l’excès diagnostique qui entraîne le plus souvent un excès thérapeutique, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer. Mais ceci est une autre histoire…

 

5. Conclusion

La réforme de la Biologie Médicale engagée début 2010, a eu des effets divers et quelquefois inattendus sur l’ensemble des pratiques des laboratoires. Une conséquence très positive a été l’augmentation de la qualité des dosages par une amélioration de la reproductibilité. Il reste, néanmoins du chemin à faire pour venir à bout des discordances entre laboratoires.

Alors que le Dossier Médical Personnel (DMP) est à l’ordre du jour dans l’organisation des Soins, l’utiliser pour colliger des données incompatibles issues d’une errance du patient dans divers laboratoires de biologie, serait, à n’en pas douter, contre-productif.

 

Auteurs : Pierre Carayon1 et Youlet By1, 2

1 Biochimie et Biologie Moléculaire, Faculté de Médecine, Université d’Aix-Marseille, France,

2 Biologie Médicale, Université des Sciences de la Santé, Phnom Penh, Cambodge.

 

Notes.

« un standard est un document qui précise les conditions, spécifications, modes opératoires et caractéristique qui doivent être systématiquement mis en œuvre pour assurer que les matériaux, les produits, les procédés et les services sont adaptés au buts fixés. »

2 « un standard est une Préparation Biologique de Référence qui a pour rôle de servir d’étalon de mesure  d’une activité biologique exprimée

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