Annonce d'une maladie grave : un défi à relever pour le biologiste

La place du biologiste reste floue et mal définie dans le dispositif d'annonce d'une pathologie grave, alors même qu'elle devient de plus en plus déterminante dans le parcours du patient. Un symposium Biogroup a levé des zones d'ombre et permis d'avancer sur une consultation d'annonce formalisée.

Publié le 12 janvier 2022

Annonce d’une maladie grave : un défi à relever pour le biologiste

Circonstances d’annonce d’une pathologie grave à un patient au laboratoire

Quelle conduite à tenir pour le biologiste et quelles informations donner au patient ? Jusqu’où aller ? Quelle collaboration médecin- biologiste ? Quelle formation pour quel accompagnement du patient ? Autant de questions qui ont été au cœur d’un symposium organisé par Biogroup dans le cadre de la 64e édition des Journées de l’innovation en biologie qui se sont déroulées à Paris, les 1er et 2 décembre 2021. Réunissant un panel d’experts et de spécialistes aux profils très différents, cette session a permis de dresser un état des lieux des situations d’annonces de diagnostics de pathologies graves ou de récidives au laboratoire et les attentes des biologistes (lire l’encadré).

Premier constat : le parallèle avec la radiologie est fort. Comme le radiologue, le biologiste intervient souvent à un stade particulièrement délicat de la préannonce, voire de l’annonce lorsque le médecin n’est pas joignable immédiatement, au temps de l’élaboration des craintes et des soupçons par le patient, alors particulièrement vulnérable et demandeur d’une information « verdict » susceptible de le soulager. « Il existe beaucoup de similitudes entre nos deux professions ; le radiologue et le biologiste sont situés en marge et avant la consultation médicale secondaire », indique Laurence Rocher, chef du service de radiologie à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart. Et d’expliquer que ce temps d’attente est difficile à gérer car le patient reçoit le plus souvent ses résultats par Internet.

Comme l’examen d’imagerie, le résultat d’analyse de sang constitue, en soi, une source d’angoisse ou de sidération importante et immédiate, parfois d’agressivité pour le patient car il peut objectiver par lui-même un processus morbide qui va faire basculer le cours de sa vie. D’où l’importance de remettre le biologiste au centre du parcours de soins du patient et d’en faire un acteur important dans la révélation du diagnostic, selon Philippe Halfon, directeur médical et scientifique d’Alphabio- Biogroup, chef de pôle de médecine interne et maladies infectieuses à l’hôpital européen de Marseille. « Une fois sorti du laboratoire avec son résultat, le patient va vouloir aller chercher de l’information sursa pathologie », explique-t-il. Faisant le constat que les médecins sont de moins en moins nombreux et de plus en plus difficilement joignables, Francis Abramovici, médecin généraliste, secrétaire général du Collège de la médecine générale, estime que le biologiste ne peut pas se dérober à son obligation d’information. Et de souligner « qu’il n’y a pas de bonne manière d’annoncer une mauvaise nouvelle » et que le biologiste doit faire de son mieux en se formant. « Cela fait partie de notre rôle d’encadrer le patient et si possible de joindre le médecin », renchérit Isabelle Rivière, biologiste médicale chez Biogroup. Dans une médecine moderne où les impératifs d’une prise en charge coordonnée et centrée sur le patient sont au premier plan, il est capital de réfléchir sur la place du biologiste dans le processus d’annonce d’une maladie grave. « La délégation de cette annonce par le médecin, n’est pas si rare et valorise notre rôle », poursuit-elle.Le code de déontologie des pharmaciens ne pose aucun interdit dès lors que « les conseils donnés au patient sont clairs et appropriés ». De plus, « l’accréditation des laboratoires oblige à une prestation de conseil », ajoute-t-elle.

 

Rester à sa place

Si les attentes peuvent être nombreuses et variées dans leur expression, en fonction des circonstances d’apparition de la maladie et de l’état psychologique des patients, Hélène de La Menardière, psychologue et psychothérapeute à Boulogne-Billancourt, donne un fil rouge aux biologistes pour répondre aux questions quand elles émergent : « Ne vous aventurez pas sur un domaine qui n’est pas le vôtre, restez dans votre champ de compétences ! ». Il faut garder à l’esprit que certains patients n’ont pas envie d’entendre cette annonce et qu’à cet instant, le pronostic vital n’est pas forcément en jeu. Éric Raymond, chef de service oncologie et cancérologie à  l’hôpital Saint-Joseph à Paris, abonde dans le même sens : « Chacun à sa place, évitez d’avoir à élaborer une information qui ne sera pas juste et décalée par rapport à la réalité qui va arriver ». L’annonce d’une maladie grave requiert une consultation d’une heure minimum avec des ingrédients indispensables que sont le temps de connaissance du patient, l’écoute, les questions, l’explicitation, les mots choisis, etc. Une annonce doit être réalisée dans un lieu approprié (avec deux chaises, une table et des mouchoirs), permettant un entretien singulier et une écoute facilitée. « Il n’y a pas de règle, mais méfions-nous de nos bonnes intentions (vouloir faire trop bien ou trop vite) car on ne sait pas dans quel timing se trouve la personne », appelle à la clairvoyance Francis Abramovici. Une sage solution peut consister à ne pas donner de réponses définitives, filtrer certaines informations, voire différer le résultat si le patient n’est pas prêt à recevoir l’annonce. Afin de relever le défi, un consensus s’est établi entre les intervenants de s’astreindre à un impératif de formation (dans le cadre d’un programme DPC) et d’un aménagement de la pratique quotidienne pour organiser des consultations d’annonce au laboratoire. « Jamais les uns sans les autres », glisse Philippe Halfon, faisant allusion à la collaboration médecin-biologiste. La participation à une communauté professionnelle territoriale de santé en tant que dispositif d’annonce partagé pourrait être une solution.

 

Les biologistes éprouvent le besoin d’être formés

L’enquête réalisée auprès des biologistes de Biogroup (environ 160 participations) et présentée par Benoît Dumont, biologiste, directeur général du laboratoire Unilians Biogroup, éclaire sur la place du biologiste dans le dispositif d’annonce d’une pathologie grave. La découverte d’une maladie grave et la nécessité de l’annoncer est pour 70 % d’entre eux une situation déjà rencontrée plus de trois fois au cours de leur carrière. La circonstance d’annonce la plus fréquemment citée est l’indisponibilité du médecin traitant (voir graphe p.16). Une majorité des répondants (126) estiment que le biologiste doit être formé et impliqué dans le dispositif d’annonce et doit pouvoir rassurer le patient. Enfin, l’amélioration des échanges de données, la collaboration médecin-biologiste et le recueil de renseignements cliniques est la mesure à prendre pour mieux encadrer les patients qui recueille le plus de suffrages.

François Pouzaud

Retrouvez le PDF issu de Biologiste infos n°115 ici

 

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