Vers le génome à 200 dollars
Pour se développer, la médecine génomique peut compter sur les progrès rapides du séquençage à haut débit. Avec le NovaSeqX lancé à l’automne 2022 par la société Illumina, la nouvelle génération de séquenceurs promet même de tirer le coût d’un génome complet vers 200 $. Comment ? En augmentant le nombre d’échantillons traités à chaque cycle de séquençage et en stabilisant ses procédés. « Avec cette nouvelle génération, le séquençage sera deux fois plus rapide, avec des consommables moins chers », commente Anne Thomas, la lab manager d’Auragen, qui étudie cette solution de près (lire pages 19-21). Pour la firme américaine, le premier progrès est celui des puces microfluidiques sur lesquelles les brins d’ADN à séquencer sont attachés, les flow cells. La densité de leur quadrillage (ou pattern) est passée de 624 nm (pour les S4, la version la plus large) à 350 nm. Cela permet de séquencer jusqu’à 52 milliards de brins d’ADN simultanément contre 20 milliards précédemment sur NovaSeq 6000. Ces nouvelles flow cells assurent donc le séquençage de 128 génomes complets, au lieu de 48 pour la version précédente. Elles seront disponibles avant la fin de l’année 2023.
Chemistry X
Un autre aspect du tournant technique concerne directement l’optimisation du procédé, avec le séquençage par chimie de synthèse. Le brin à séquencer est reproduit nucléotide par nucléotide. Chaque néonucléotide ajouté à la copie du brin à séquencer contient un fluorophore spécifique dont l’émission lumineuse indique s’il s’agit d’une adénosine, d’une cytosine, d’une guanine ou d’une thymine. Pour cette nouvelle génération de séquençage, dite à Chemistry X, « l’ensemble fluorophore et système optique a été changé pour accroître la résolution et la qualité de lecture », raconte Antoine François, chercheur pour Illumina. Et ce n’est pas tout : les molécules bloquantes, qui contrôlent le fait qu’un seul nucléotide s’attache à chaque cycle, ont également été optimisées. Ces dernières s’inscrivent dans des cycles plus courts, ce qui réduit le temps global, jusqu’à 2,5 fois par rapport à la génération précédente de séquenceurs. Mais surtout, ces molécules bloquantes sont désormais stables à température ambiante.
Fini la carboglace
C’est le principal progrès de cette nouvelle génération de séquençage, et l’effort de stabilisation a été réalisé pour tous les réactifs, même les polymérases. Pour Illumina, c’est « un séquençage plus durable pour l’environnement ». C’est en tout cas un gain massif sur le packaging (-90 %), les déchets plastiques (-50 %) et la dépense énergétique globale. La livraison des réactifs pourra enfin se passer de carboglace. D’autres innovations ont été ajoutées, notamment pour le stockage des données. Ces nouvelles machines peuvent séquencer jusqu’à 20 000 génomes entiers par an, ce qui permet de calculer un coût cible par génome à 200 $, en incluant l’amortissement du séquenceur. Leur déploiement est rapide, en soutien des grands centres de séquençage engagés dans la médecine génomique. Après le Broad Institute du MIT, aux États-Unis, de nombreux centres ont commencé à tester cette dernière génération. En Europe, elle est déjà opérationnelle au Earlham Institute au Royaume-Uni ou au programme de génomique islandais DeCode.