Diagnostic pré-implantatoire : faut-il étendre ses indications ?

Le DPI consiste en l’analyse génétique de cellules prélevées par biopsie sur un embryon in vitro issu d’une FIV avant son implantation. Ses indications comprennent le diagnostic des maladies géniques et translocation parentales, de la compatibilité HLA (Human Leukocyte Antigen), de la prédisposition à développer certains cancers et des aneuploïdies.

En France, il est proposé uniquement aux couples ayant une forte probabilité de transmettre à leur enfant « une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic »1 telle que la mucoviscidose ou l’hémophilie. « Il présente une alternative au diagnostic prénatal (DPN) et à une interruption volontaire de grossesse », présente Marine Poulain, responsable de l’activité biologique d’AMP (assistance médicale à la procréation) à l’Hôpital Foch lors de la journée GynFoch, qui a eu lieu 11 mars à Paris. Le passage par la FIV est alors obligatoire, que le couple soit infertile ou non. Cinq centres sont agréés pour réaliser cet examen. Le diagnostic ne peut être effectué « que lorsqu’a été préalablement et précisément identifiée, chez l’un des parents ou l’un de ses ascendants immédiats dans le cas d’une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, l’anomalie ou les anomalies responsables d’une telle maladie »1.

En 2019, en France, sur 1 000 demandes environ, 60 % ont été acceptées2, la première cause de refus étant la « difficulté ou l’impossibilité de mettre en œuvre l’AMP », précise le Dr Poulain. « Le temps d’attente est de 18 à 24 mois en France, contre 4 mois à l’étranger », déplore-t-elle.

Minimiser les échecs d’implantation

Le diagnostic pré-implantatoire des aneuploïdies (DPI-A) a émergé dans les années 1990 en Grande-Bretagne, et est autorisé dans la plupart des pays d’Europe qui pratiquent le DPI (sauf la France et la Norvège). L’objectif est d’évaluer la qualité génétique de l’embryon afin de minimiser les échecs d’implantation. Cet examen diminue fortement le risque de fausses couches précoces ou tardives, comme le montre une étude multicentrique récente3.  « L’efficience est largement augmentée par l’élimination des implantations d’embryons inutiles », commente Laura Rienzi, professeure adjointe de biotechnologie, université d’Urbino (Italie) et directrice du comité scientifique et exécutif de GeneraLife. Concernant la technique elle-même, la biopsie, historiquement réalisée à J3, est maintenant le plus souvent réalisée à J5, au stade blastocyte, pour éviter toute altération de l’embryon3,4. « C’est devenu le gold standard aujourd’hui », témoigne Laura Rienzi. « D’autres techniques, non invasives, sont en développement, notamment afin de minimiser le risque pour l’embryon », précise le Pr Catherine Racowski, présidente de la société américaine de médecine reproductive et gynécologue à Harvard.

Pourtant, cette technique reste interdite en France, par crainte de dérives potentielles. Une aberration pour les intervenants de la journée GynFoch. « Cette pratique est assimilée à une sélection, voir à de l’eugénisme », affirme le Pr Samir Hamamah, responsable du département de biologie de la médecine de la reproduction du CHU de Montpellier et rapporteur du 1er Plan national de lutte contre l’infertilité, qui dénonce « un blocage idéologique », aboutissant à la « souffrance des couples ».

Considérer le DPI-A comme un droit ?

De fait, par exemple dans le cas d’un fœtus atteint d’un déséquilibre chromosomique potentiellement viable, « interdire le DPI-A revient à donner le choix aux parents après la naissance, mais pas avant, sans prendre en compte les conséquences psychologiques et physiques des interruptions volontaires de grossesse », constate le Dr Poulain. Paradoxalement, toute femme enceinte le souhaitant est autorisée à réaliser un DPNI (dépistage prénatal non invasif) en France, même en l’absence de facteurs de risque particuliers, auquel cas il n’est simplement pas remboursé. « Plus de 20 % des femmes dont l’enfant est diagnostiqué avec une trisomie 21 en France décident de garder tout de même l’enfant, d’après les chiffres de l’agence de la biomédecine. Nous sommes donc loin de l’eugénisme », détaille Marine Poulain. Avec le DPI-A, « notre objectif est d’avoir un outil supplémentaire pour le choix de l’embryon à transférer en premier, qui est l’embryon qui a le plus de chance d’aboutir après une naissance vivante », milite-t-elle. « Pour moi, l’accès au DPI-A devrait être un droit », surenchérit Laura Rienzi. « 14 000 couples par an partent à l’étranger pour leur projet d’enfant », rappelle le Pr Hamamah. La question centrale à se poser est « que veulent les patientes ? », conclut le Dr Poulain.

Références

  1. Article L.2131-4 du Code de la Santé publique.
  2. Agence de la biomédecine, 2019.
  3. Tiegs et al., Fertil Steril. 2021 Mar; 115(3): 627-637.
  4. Scott et al, Fertil Steril. 2013 Sep; 100(3): 624-30.