Des bactéries intelligentes pour détecter les maladies

Les cellules vivantes sont de véritables nano-machines capables de détecter et traiter de nombreux signaux et d’y répondre. Elles représentent donc des candidats évidents pour le développement de nouveaux tests diagnostiques puissants. Encore faut-il leur fournir le “programme” adéquat pour réussir à leur faire accomplir les tâches souhaitées.

Pour cela, l’équipe de Jérôme Bonnet au Centre de Biochimie Structurale de Montpellier (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) a eu l’idée d’utiliser des concepts de biologie synthétique dérivés de l’électronique pour construire des systèmes génétiques permettant de “programmer” les cellules vivantes à la manière d’un ordinateur.

Le transcriptor : pièce maitresse de la programmation génétique

Le transistor est l’élément central des systèmes électroniques modernes. Il joue à la fois le rôle d’interrupteur et d’amplificateur de signal. En informatique, en combinant plusieurs transistors, il est possible de construire des “portes logiques”, c’est à dire des systèmes répondant à différentes combinaisons de signaux selon une logique prédéterminée. Par exemple une porte logique “ET” à deux entrées produira un signal uniquement si deux signaux entrant sont présents. Tous les calculs effectués par les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement, comme les smartphones, reposent sur l’utilisation de transistors et des “portes logiques”.

Lors de son séjour postdoctoral à l’université de Stanford aux Etats-Unis, Jérôme Bonnet a inventé un transistor génétique, le transcriptor. L’insertion d’un ou plusieurs transcriptors dans les bactéries les transforme en calculateurs microscopiques. Les signaux électriques utilisés en électronique sont remplacés par des signaux moléculaires contrôlant l’expression génétique. Ainsi, il est à présent possible d’implanter dans les cellules vivantes des “programmes” génétiques simples en réponse à différentes combinaisons de molécules.

Dans ce travail, les équipes de Jérôme Bonnet (CBS, Inserm U1054, CNRS, Université de Montpellier), de Franck Molina (SysDiag, CNRS) associées au professeur Eric Renard (CHRU de Montpellier) et de Drew Endy (Université de Stanford) ont appliqué cette nouvelle technologie à la détection de signaux pathologiques dans des échantillons cliniques. Les auteurs ont utilisé les capacités d’amplification du transcriptor pour détecter des marqueurs pathologiques présents même en très petite quantité. Ils ont aussi réussi à stocker plusieurs mois le résultat du test dans l’ADN des bactéries. Les cellules deviennent ainsi capables de réaliser différentes opérations en fonction de la présence de plusieurs marqueurs, ouvrant la voie à des tests diagnostiques plus précis reposant sur la détection de “signatures” moléculaires.“Nous avons standardisé notre méthode puis confirmé la robustesse de nos systèmes bactériens synthétiques dans les échantillons cliniques. Nous avons aussi mis au point une technique rapide pour connecter le transcriptor à de nouveaux systèmes de détection. Tout ceci devrait faciliter la réutilisation de notre système” précise Alexis Courbet, étudiant en thèse et premier auteur de l’article.

Comme preuve de concept, les auteurs ont connecté au transistor génétique un système bactérien répondant au glucose et détecté la présence anormale de glucose dans les urines de patients diabétiques.“Nous avons déposé les éléments génétiques utilisés dans ce travail dans le domaine public pour permettre leur libre réutilisation par d’autres chercheurs publics ou privés” précise Jérôme Bonnet.

“Nos travaux se concentrent à présent sur l’ingénierie de systèmes génétiques artificiels pouvant être modifiés à la demande pour détecter différentes molécules marqueurs de maladie” ajoute-t-il.

Detection of pathological biomarkers in Human clinical samples via amplifying genetic switches and logic gates. Alexis Courbet, Drew Endy, Eric Renard, Franck Molina and Jérôme Bonnet Science Translational Medicine http://dx.doi.org/10.1126/scitranslmed.aaa3601

La rédaction