Le syndicat BIOPRAT dénonce le harcèlement opéré par le COFRAC à l'encontre des biologistes médicaux

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Alors que Marisol Touraine vient de saisir l’IGAS suite au suicide d’un médecin à l’hôpital Pompidou, le syndicat BIOPRAT demande à la Ministre de la Santé d'ouvrir une enquête similaire concernant la situation des biologistes médicaux, qu’il estime « victimes du harcèlement constant opéré par le COFRAC et les Agences régionales de santé (ARS).»

Par Steven DIAI, publié le 02 mars 2016

Le syndicat BIOPRAT dénonce le harcèlement opéré par le COFRAC à l’encontre des biologistes médicaux

« La réforme de la biologie médicale impose des normes extrêmement lourdes aux laboratoires indépendants et remet entièrement leur vérification au COFRAC, un organisme privé, à qui l’Etat a donné le droit de vie ou de mort sur nos laboratoires », déplore Patrick Lepreux, président du syndicat BIOPRAT. Fort de ce droit, le COFRAC se livre, selon le biologiste, « à une entreprise de harcèlement systématique, usant de menace de fermeture pour exiger la mise aux normes à marche forcée des laboratoires indépendants, sans tenir compte de leur spécificité et des réalités de terrain. »

Face à ses pressions, plusieurs biologistes témoignent des injonctions qu’ils ont reçu du Cofrac sur le site du syndicat. Un biologiste féru de qualité, se dit « désabusé par l’organisation kafkaïenne de l’accréditation » Il dénonce des modifications de date d’évaluation décidées à la dernière minute par le COFRAC et de manière unilatérale. « La cellule permanente du COFRAC impose des référentiels et délais qu’elle n’estime pas devoir appliquer ni respecter », regrette-t-il. Ainsi, il se voit informé moins d’un mois avant la date prévue initialement, du report de la visite d’extension de son accréditation initiale. « Peu importe si en interne, nous avions planifié l’évaluation en septembre, que nous avions refusé des vacances durant cette période pour le personnel afin qu’il soit disponible durant I’audit, déplore-t-il. Il dénonce aussi « la valse des Assistants Techniques d’Accréditation (ATA) qui ne permet pas un suivi correct du dossier, ni même d’instaurer un dialogue efficace. » D’autres biologistes se sentent « pris au piège » et reçoivent du COFRAC, des courriers préjudiciables à l’avenir de leur laboratoire : « À ce jour, n’ayant toujours pas réceptionné la convention et les annexes signées par vos soins, je me vois dans l’obligation d’informer l’ARS de cette situation ».

Malgré plusieurs alertes lancées à Marisol Touraine, ministre de la Santé et des Affaires sociales, le président du syndicat BIOPRAT, Patrick Lepreux, n’a reçu à ce jour comme seule réponse, qu’une note laconique de la ministre indiquant que « sa demande serait transmise à ses services ». Pourtant, députés et sénateurs ont relaté, à plusieurs reprises, ses appels de détresse à la ministre. À l’instar de Jean-Sébastien Vialatte qui écrit à la Ministre de la Santé, en date du 5 février 2016 : « La pression subie par ces professionnels de santé (les biologistes) n’est pas acceptable et conduit à des situations humaines alarmantes. » Ou de Colette Giudicelli, sénatrice des Alpes Maritimes qui, suite à son courrier du 15 février 2016, appelant à l’attention de la Ministre sur la détresse de certains biologistes, reçoit comme réponse : « j’ai bien reçu votre courrier sur les préoccupations exprimées par Monsieur Patrick Lepreux […] J’ai pris bonne note de votre correspondance et en ai prescrit un examen attentif par mes services ».

Des tarifs prohibitifs et insoutenables pour les petits laboratoires

Patrick Lepreux dénonce également les coûts « exhorbitants » des visites du Cofrac. Selon le SH REF 07 révisé au début de cette année, l’instruction d’une demande d’accréditation initiale coûte 1 333 euros HT, les frais d’évaluation 1 233 € HT par jour et par personne, pour les évaluateurs qualiticiens et les évaluateurs techniques responsables d’évaluation, et 1 131 € HT par jour et par personne, pour les évaluateurs et experts techniques, « ce qui fait qu’une inspection sur site de trois à quatre jours atteint très rapidement 10000 à 15000 euros », explique le biologiste. Et ces montants ne prennent pas en compte la redevance annuelle, estimée au minimum à 1230 euros HT, qui augmente sensiblement selon le nombre de sites et le nombre de sous-familles couverts par la portée d’accréditation du laboratoire. Sur le site du syndicat BIOPRAT, des biologistes évaluent leurs coûts d’extension d’accrédition initiale à d’autres familles d’examens biologiques à « presque 1 % du chiffre d’affaires de leur laboratoire ».

« Nous sommes des gens motivés et responsables, indique le Dr Lepreux, mais la plupart des petits laboratoires (qui traitent 50 à 100 dossiers par jour) n’ont pas les moyens de réaliser des contrôles aussi coûteux. Pourquoi n’existe-t-il aucune mesure alternative à moindre coût pour les petits laboratoires ? »

Les postes avancés de santé publique en perdition

Patrick Lepreux souligne ensuite l’importance des professions médicales, qui constituent « l’un des piliers de notre société ». « Les laboratoires, les pharmacies sont des postes avancés de santé publique. Pourquoi a-t-on cette vision apocalyptique de notre profession, alors qu’aucun scandale sanitaire majeur n’a eu lieu ?, se désespère le Dr Lepreux. Il n’existe aucune association de victimes de la biologie médicale.» Selon lui, « Le coût des analyses en France, n’est pas plus cher que dans les autres pays, compte-tenu du service rendu et de la proximité sanitaire. » Et le biologiste de déplorer : « Cette loi (portant réforme de la biologie médicale) transforme les laboratoires en centres de prélèvement, le service de proximité n’existe plus et les tubes partent vers une usine à analyses avec des coursiers. » Le président du syndicat assène ensuite les vérités suivantes : « Les conséquences pour le patient sont énormes : accepteriez-vous que votre santé et parfois-même votre vie dépendent d’un coursier ? Certains laboratoires, sont devenus des coquilles vides. Cette loi n’est qu’une mise en vente de la profession derrière le prétexte de normes ! », s’indigne le biologiste. « Au profit des fonds d’investissement et du Cofrac lui-même ! »

Une alternative pour les petits laboratoires ?

Pour le syndicat BIOPRAT, il est désormais « urgent de repousser les dates d’accréditations » qu’il juge « insoutenable » et d’insérer dans la loi « un volet avec des mesures de contrôle allégées pour les petites structures traitant 50 à 100 dossiers par jour. »

Patrick Lepreux prône également l’entraide entre biologistes, reposant sur le principe de l’économie solidaire : « les professionnels de la biologie médicale pourrait se former et partager leurs savoirs, afin de s’améliorer à des coûts plus raisonnables. » Selon lui, « le partage des moyens s’impose comme une alternative économique et écologique, de plus en plus indispensable pour faire face aux enjeux économiques. » Il donne en exemple le site www.qualifree.fr au sein duquel des logiciels gratuits sont proposés aux professionnels de santé : QualiRecupPDF, QualiTabs, QualiControle, QualiTemp, QualiStock, QualiEvent, QualiDemande. Le site www.qualilabo.com est quant à lui destiné à mettre en place un « auto-contrôle » sur la base d’un « qualicontrat » signé entre deux biologistes.

Et de conclure avec son communiqué : « Le syndicat BIOPRAT souhaite que la Ministre de la Santé prenne enfin conscience de la situation. Il lui demande d’ordonner à l’IGAS l’ouverture d’une enquête administrative afin de mettre en lumière les dysfonctionnements du COFRAC et de permettre aux biologistes médicaux d’exercer leur mission médicale dans un contexte enfin assaini. »

Emilie Cler