Une corrélation entre tissu adipeux et cancer du sein ?
L’opération Octobre Rose attire chaque année l’attention sur le cancer du sein. La maladie est dépistée de plus en plus précocement et mieux soignée, mais elle atteint deux fois plus de patientes qu’il y a trente ans. La faute aux cellules adipeuses ?

« L’épidémie mondiale d’obésité n’est pas étrangère à l’affaire, » affirme Catherine Muller, professeure à l’université et chercheuse à l’Institut de Pharmacologie et Biologie Structurale (IPBS) dans une interview parue dans la newsletter de l’Université Paul Sabatier (Toulouse III). Outre ses conséquences directes sur la santé (maladies cardiovasculaires, diabète), l’obésité est de plus en plus soupçonnée de jouer un rôle dans le pronostic du cancer du sein en particulier dans sa propension à se répandre. Les travaux conjoints des scientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Paul Sabatier ont permis de mettre en évidence en avril 2011 in vitro et in vivo, à proximité des cancers du sein, des adipocytes, aux caractéristiques biologiques spécifiques. Ils seraient capables de modifier les caractéristiques de la cellule cancéreuse, en la rendant plus agressive.
Nos recherches ont permis de mettre en évidence le fait qu’il existe un dialogue entre les cellules cancéreuses et le tissu graisseux situé à proximité, explique le Pr Muller, et que celui-ci favorise la croissance de la tumeur et sa capacité à métastaser. Certaines molécules sécrétées par le tissu graisseux, notamment l’interleukine 6, expliquent ce phénomène. De plus, les cellules tumorales utilisent les lipides des adipocytes environnants pour leur propre métabolisme. Elles tirent parti des acides gras que libère le tissu adipeux. » Ces recherches ont fait l’objet de deux publications, en 2011 et 2013, dans la revue Cancer Research, et un troisième article va bientôt y être publié.
L’obésité atteint 15% de la population française et plus d’1/3 des habitants des Etats-Unis. « Une étude américaine a montré que le risque de métastases du cancer du sein est accru en moyenne de 50 % chez les patientes obèses, ce qui rend le pronostic plus sombre », indique le Pr Muller. Par ailleurs, les femmes obèses ont une probabilité plus forte que la moyenne de développer un cancer du sein après la ménopause, notamment en raison des œstrogènes que produit le tissu adipeux. Les recherches montrent désormais que de nombreux cancers comme celui du sein, mais aussi de l’utérus, de l’œsophage ou du colon sont également concernés.
Il faut chercher de nouvelles stratégies de traitement,, indique le Pr Muller, en essayant en particulier de trouver des moyens de limiter les échanges entre les cellules graisseuses et les cellules tumorales, échanges dont nous avons contribué à montrer l’importance.
D’après l’interview du Pr Muller réalisée dans la newsletter de ‘l’Université Toulouse III