Des tests rapides pour Ebola

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Les tests diagnostic pour Ebola ont du se multiplier dans l’urgence. Un état des lieux a été présenté lors de la conférence « Targeting Ebola », organisée les 28 et 29 mai derniers à l’Institut Pasteur, qui a regroupé les meilleures équipes internationales engagées dans la recherche fondamentale, épidémiologique, clinique, vaccinale et en sciences sociales contre cette maladie.

Par Steven DIAI, publié le 11 juin 2015

Des tests rapides pour Ebola

« Il ne s’agit certes pas du scénario le plus probable mais l’épidémie d’Ebola pourrait se transformer en endémie chronique. Une situation complexe », explique le Pr Jean-François Delfraissy, coordinateur interministériel de lutte contre Ebola. Si l’épidémie est officiellement terminée au Libéria, quelques cas se déclarent encore en Guinée, notamment autour de la capitale Conakry et l’épidémie se poursuit à bas bruit en Sierra Leone. Un contexte où la surveillance, et donc le diagnostic, se révèle cruciale. « La détection précoce est absolument nécessaire pour réagir vite en cas de nouvelles flambée, afin de ne pas être pris par surprise comme ce fut le cas au début de cet épisode. Cela inclut bien sûr de meilleurs tests diagnostic mais pas uniquement. Tout le système d’alerte est concerné », détaille Peter Piot, de la London School of Hygiene et co-découvreur d’Ebola.

Des laboratoires de diagnostic montés en urgence

L’Institut Pasteur de Dakar, qui abrite le centre collaborateur de l’OMS pour les arbovirus et les fièvres hémorragiques virales, a été sollicité dès mars 2014 par l’OMS et le gouvernement guinéen, pour apporter son concours à l’enquête sur l’épidémie. Il a été la première structure africaine à avoir installé un laboratoire en Guinée et à avoir confirmé des cas suspects. Ce laboratoire s’est déployé avec trois virologistes et des experts de l’Institut Pasteur de Paris, ainsi que du matériel, à l’hôpital Donka à Conakry où se trouve le centre de traitement des patients. Il apporte son aide dans la gestion des cas, l’enquête épidémiologique et l’identification des « cas contact » par le diagnostic des cas suspects à Conakry et dans les autres foyers de Guinée. Le laboratoire de l’Institut Pasteur de Dakar, à Conakry, a identifié le premier cas confirmé de fièvre Ebola à Conakry et au Libéria et l’équipe du Dr Amadou Sall, à Dakar, a pris en charge l’analyse des échantillons de cas suspects venant d’Angola, de Gambie, du Mali et du Sénégal. Les équipes de l’Institut Pasteur et de l’Institut Pasteur de Dakar ont en outre formé des techniciens guinéens au diagnostic du virus Ebola et aux méthodes de prélèvement chez les patients.

Le 19 novembre 2014, à Macenta au cœur du foyer endémique, un centre de traitement de 60 lits, géré par la Croix-Rouge Française, a démarré son activité. Au sein de cette structure l’Institut Pasteur a installé un laboratoire de diagnostic. Depuis des équipes de volontaires, formés à Paris par la cellule biologique d’intervention d’urgence (CIBU) se relaient à Macenta afin d’assurer le dépistage des malades. La CIBU, localisée à l’Institut Pasteur de Paris, contribue également au diagnostic des échantillons prélevés en Guinée, en collaboration avec l’équipe du CNR de Lyon.

Le principe d’un test rapide pour Ebola

Aujourd’hui, le processus standard de diagnostic Ebola prend en moyenne deux à trois jours par RT-PCR et nécessite des équipements sophistiqués et du personnel hautement qualifié. Le virus n’est détectable qu’à l’apparition des premiers symptômes qui peuvent être confondus avec d’autres maladies infectieuses sévissant dans la région. Réduire le temps et les risques associés à la procédure de diagnostic actuel est aujourd’hui essentiel pour permettre de mieux prendre en charge les malades et augmenter les chances de guérison.

« On qualifie un test de rapide s’il permet une lecture en 5 à 90 minutes généralement, mais tout dépend de la fiabilité du résultat. L’objectif avec Ebola est en priorité d’avoir accès à des tests simples, utilisables hors laboratoires fixes, dans des unités mobiles, pour être au plus près des patients », estime le Dr Xavier de Lamballerie, de l’UMR D190 à Marseille. La question se pose de donner à de tels tests la priorité à une bonne sensibilité ou une bonne spécificité. Il est bien sûr important pour des raisons épidémiologiques de ne pas multiplier les faux négatifs mais des faux positifs demanderaient de revoir la chaîne de soin, afin de ne pas mettre en contact les nouveaux diagnostiqués avec des malades en traitement.

Les tests immunologiques sont des candidats qui peuvent être intéressants mais avec une faible sensibilité. Ils demandent peu de matériel et peu de formation spécialisée pour le personnel. Leur faiblesse réside également parfois dans des délais qui peuvent être plus long que les tests moléculaires. A l’inverse, la RT-PCR pose des problèmes d’utilisation en routine. Malgré sa bonne sensibilité et spécificité, qui en fait le test de référence, elle reste difficile à mettre en place sur le terrain. L’évolution attendue est une automatisation complète, avec l’extraction, l’amplification et la détection combinées et un matériel compact pour le transport. « L’enjeu réside aussi dans l’échantillon testé : le sang est standardisé, bien évalué, peut servir à d’autres tests en parallèle, mais il implique des risques pour le personnel. Les échantillons de salive sont à évaluer. Surtout, l’inactivation au lit du patient est absolument essentielle pour pouvoir réaliser des manipulations hors laboratoire de sécurité de niveau P4 », pointe le Dr de Lamballerie.

Quelques exemples de développements de tests rapides

A l’Institut Pasteur, plusieurs programmes de recherche sont consacrés à la mise au point de tests de diagnostic rapides, abordables, et facilement utilisables sur le terrain. Le projet de test rapide de terrain utilise l’enzyme RT LAMP qui amplifie l’ADN par reverse transcription à une température stable de 60°C environ. « Ce test ne nécessité donc qu’un bain-marie et très peu d’énergie, ainsi que de la lumière UV pour lire le résultat », insiste le Pr Jean-Claude Manuguerra, directeur du CIBU à l’Institut Pasteur. Le temps d’action de l’enzyme est très rapide (de 5 à 15 minutes) et le test ne prend en tout que 30 minutes. Il a été testé sur le site de la Croix-Rouge en Guinée à Macenta et a montré une spécificité et une sensibilité de 100% et une rapidité dix fois supérieure à la RT-PCR de référence sur des échantillons de sang et de salive. L’ambition du projet est aussi de créer un test unique, rapide, par micro-fluidique sur une carte, ultra-transportable, qui détecterait quatre maladies : la dengue, le palu, Ebola et la maladie du sommeil.

Le laboratoire Biomérieux développe également de nombreux tests, avec 6 tests de RT-PCR et un test sur Film-Array (Biofire Diagnostics), impliquant une manipulation de deux minutes uniquement et aucun pipetage de précision. L’appareil est totalement clos pour une sécurité maximale et le virus inactivé par le buffer. « Ce test peut s’avérer intéressant en complément d’autres tests, il sera intéressant pour la surveillance aux frontières et la surveillance post-crise, pour détecter d’éventuelles réémergences », juge Françoise Gay-Andrieu, de Biomérieux.

Enfin, le CEA développe également un test, immunologique, Ezyscreen, à utiliser en complément d’un test RT-PCR. Le test est simple d’utilisation sur le terrain, rapide, stable à des températures élevées mais moins sensible qu’un test moléculaire. A partir de trois gouttes de sang total, de sérum ou de plasma, il donne un résultat en 15 minutes, avec une limite de détection à 5.105 pfu/mL voire 105 pfu/mL. Deux études de performance sur le terrain sont actuellement en cours. Une étude est menée conjointement depuis mars avec Biomérieux, testant donc Ezyscreen et le film-array Biofire Diagnostics, à Coyah en Guinée, avec comme test de référence la RT-PCR Altona. Biomérieux teste sur le sang total, la salive et l’urine, avec des résultats prometteurs sur les 120 patients inclus pour le moment dans l’étude. « Ezyscreen montre lui une absence de faux-positifs et un taux de détection de 75 à 80%. Mais on ne peut conclure pour le moment, l’étude est en cours », dévoile Laurent Bellanger du CEA. Un second test est mené par le CEA sur Ezyscreen seul à Forécariah en Guinée en coopération avec la Croix-Rouge, pour lequel les résultats ne sont pas encore disponibles.

La rédaction