Des données et des questions autour du dépistage néonatal en France

Dépistage

Biologiste infos

Depuis la mise en place du dépistage néonatal en France de plusieurs maladies rares, en 40 ans, près de 20 000 nouveau-nés porteurs d’une des maladies recherchées ont pu être détectés, selon un bilan publié mardi 12 mai par le bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’InVS. L’inclusion de nouvelles maladies dans le programme fait débat.

Par Steven DIAI, publié le 15 mai 2015

Des données et des questions autour du dépistage néonatal en France

Organisé par l’association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE), sous la tutelle du ministère de la santé et de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), le dépistage néonatal a été mis en place en 1972, pour la phénylcétonurie. Ont été ensuite ajoutés les dépistages de l’hypothyroïdie congénitale (1978), la drépanocytose dans une sous-population (1989), l’hyperplasie congénitale des surrénales (1995) et la mucoviscidose (2002).

« Depuis plus de quarante ans, 33 millions de nouveau-nés ont été dépistés en France et 19 380 diagnostiqués », écrivent Michel Roussey du CHU de Rennes et Dominique Delmas de l’AFDPHE dans un numéro du BEH entièrement consacré aux dépistages prénataux et néonataux.

Ainsi « en 2013, cela correspondait à une naissance sur 1900 pour l’ensemble des 5 maladies dépistées : 1/18 435 pour la phénylcétonurie, 1/2 870 pour l’hypothyroïdie congénitale, 1/23 044 pour l’hyperplasie congénitale des surrénales, 1/419 pour la drépanocytose en outre-mer et 1/793 en métropole dans les populations ciblées et 1/7 753 pour la mucoviscidose. » Ainsi durant l’année 2013, on a dépisté 45 cas de phénylcétonurie classique ou atypique, 289 cas d’hypothyroïdie congénitale, 36 hyperplasies congénitales des surrénales, 441 syndromes drépanocytaires majeurs et 105 nouveau-nés atteints de mucoviscidose. Les cas de faux-négatifs sont rares et seuls quelques enfants n’ont pas été dépistés pour chacune des maladies.

« L’organisation du dépistage néonatal montre son efficacité avec les objectifs fixés dès le départ », notamment en terme de couverture de la population de nouveau-nés, à près de 100%. Les refus de prélèvements sont exceptionnels seulement 193 cas sur 829 763 à tester en 2013. « Les parents comprennent facilement pour l’enfant l’intérêt à être dépisté et traité », commentent les auteurs.

Inclure d’autres maladies métaboliques

Le Pr Ségolène Aymé, médecin généticienne et directrice de recherche à l’Inserm, remarque également dans le BEH, que « pour qu’un dépistage collectif soit justifié, il faut que la maladie dépistée constitue un problème de santé publique par le nombre de personnes concernées et/ou par la gravité de l’affection ; il faut aussi qu’existe une possibilité d’intervention efficace ou de décision importante dépendant du résultat du test ; il faut que le test soit performant ; il faut aussi que le bénéfice escompté s’adresse à la personne dépistée et non à des tiers ; il faut enfin que l’utilité clinique soit avérée. »

Martina Cornel, professeur de génétique au Centre médical de l’université VU d’Amsterdam (Pays-Bas), interrogée par le Figaro, précise pour sa part que « ce sont des maladies traitables pour lesquelles le dépistage néonatal aide à éviter les conséquences sur la santé. Cependant, beaucoup plus d’enfants pourraient être aidés si davantage de maladies étaient incluses dans le programme. Nous incluons au Pays-Bas plusieurs autres maladies métaboliques pour lesquelles un traitement précoce évite des dommages, en particulier des maladies métaboliques qui peuvent être diagnostiquées après spectrométrie de masse en tandem. D’autant que les machines sont aujourd’hui capables de dépister jusqu’à 30 maladies congénitales avec un seul prélèvement. Par exemple, le déficit en MCAD, une maladie qui peut entraîner des décompensations sévères, voire mortelles, lors d’une opération, infection ou déshydratation ».

La Haute Autorité de santé a recommandé son dépistage depuis 4 ans, « mais la décision ministérielle pour sa mise en place n’est pas encore intervenue» regrettent Michel Roussey et Dominique Delmas.

Débat sur les déficits immunitaires combinés sévères (Dics)

Le dépistage néonatal des Dics pourrait s’avérer être coût-efficace en France, avec des coûts de prise en charge qui pourraient être réduits de 50 000 à 100 000 euros pour un cas détecté, selon une étude parue dans le Journal of Allergy ans Clinical Immunology (JACI). Ce dépistage néonatal reste l’objet de débats en Europe. Pour déterminer l’intérêt de cette stratégie en France, une équipe coordonnée par Marie Audrain et Caroline Thomas au CHU de Nantes a lancé l’étude Depistrec, avec une fin de projet estimée à 2018.

La méthode reconnue et utilisée est la quantification des TRECS (T-cell receptor excision circle) qui nécessite de prendre une goutte de sang chez le nouveau-né à 72h de vie en plus des 2-3 gouttes déjà prélevées pour les autres dépistages.

Dans cette analyse, le Dr Marie-Caroline Clément de l’unité de recherche clinique en économie de la santé d’Ile-de-France (Urc-éco) à l’Hôtel-Dieu à Paris (AP-HP) et ses collègues ont voulu estimer les coûts de dépistage du point de vue du système de santé. Pour cela, ils ont pris en compte de manière prospective les ressources utilisées dans un laboratoire testant l’analyse des TRECS en routine, notamment le coût d’acquisition et d’entretien de la machine, des divers équipements nécessaires et des ressources humaines.

Concernant la prise en charge des Dics, les chercheurs ont utilisé les données de tous les patients qui ont bénéficié d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques au centre national de référence des déficits immunitaires héréditaires (Ceredih) à l’hôpital Necker à Paris (AP-HP) entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2010.

Il apparaît que le coût unitaire du dépistage varie entre 4,70 et 6,80 euros pour 33 800 échantillons testés par an, selon que l’équipement était partagé avec d’autres tests ou entièrement réservé au dépistage des Dics. L’analyse des coûts de prise en charge a porté sur 30 enfants dont 27 ont été traités après leurs 3 mois. A un an de suivi, 10 étaient décédés tandis que les 3 patients traités précocement étaient toujours vivants. Les coûts liés à l’hospitalisation des enfants traités après 3 mois étaient de 195 776 euros en médiane, contre 86 179 lorsque la greffe était réalisée précocement. Parmi les patients traités tardivement, les infections augmentaient les coûts de prise en charge et avaient un impact délétère.

Les chercheurs calculent à partir de leurs donnés en vie réelle que la détection précoce des Dics pourraitn réduire le coût de la prise en charge de 50 000 à 100 000 euros pour un cas dépisté. Avec un coût unitaire de 5 euros pour une population de 830 000 nouveau-nés par an, le coût du dépistage serait de 4,15 millions d’euros, ce qui impliquerait de traiter un enfant pour 20 000. Or l’incidence des Dics est de 1 cas pour 30 000 naissances au maximum. Le dépistage universel des Dics est susceptible d’être coût efficace, concluent néanmoins les chercheurs.

BEH 12/05/2013 : http://www.invs.sante.fr/beh/2015/15-16/index.html

Systematic neonatal screening for severe combined immunodeficiency and severe T-cell lymphopenia : Analysis of cost-effectiveness based on French real field data (Clément M.C., Mahlaoui N., Mignot C., Le Bihan C., Rabetrano H., Hoang L., Neven B., Moshous D., Cavazzana M., Blanche S., Fischer A., Audrain M., Durand-Zaleski I.) The journal of allergy and clinical immunology. 2015 Apr. 1

La rédaction