La santé connectée en marche
Innovation
A l’heure où l’« Open Data » des données de santé est discuté à l’Assemblée Nationale dans le cadre de la loi de santé et où le « Big Data » s’annonce en plein essor, focus sur une nouvelle société de services dans le domaine des biomarqueurs et de la e-santé. Rencontre avec le PDG de la jeune start-up montpelliéraine Kyomed, Daniel Laune.

Quel est le cœur de métier de votre jeune société, inaugurée vendredi 3 avril à Montpellier ?
Notre enjeu est d’accélérer le développement de solutions innovantes dans le domaine de la e-santé et de la médecine personnalisée. Nous proposons trois plateformes technologiques, une plateforme d’identification et de développement de biomarqueurs, une plateforme informatique de traitement des données et enfin un « living lab » permettant de tester l’ergonomie, la fonctionnalité et l’acceptabilité des solutions innovantes auprès des utilisateurs. Je suis persuadé que nous allons bientôt connaître une révolution dans le domaine du diagnostic. Alors que nous avons connu une période intense d’identification de biomarqueurs de plus en plus spécifiques et moléculaires, la tendance maintenant, sans pour autant mettre ces derniers de côté, est de prendre en compte également des marqueurs plus globaux, par l’utilisation d’objets connectés : température, pression artérielle, nombre de pas. Nous allons combiner l’analyse de tels marqueurs avec des questionnaires, sur le sommeil, la nutrition, le stress. L’avenir est à la combinaison de ces trois approches, moléculaire, marqueurs globaux et questionnaires pour aboutir à une meilleure prédiction, prévention et adaptation des traitements.
Pouvez-vous nous présenter un exemple de projet d’une telle approche de diagnostic ?
Un de nos premiers contrats, le projet européen MASK initié fin 2014, concerne la rhinite allergique et implique des chercheurs et des industriels, PME et grands groupes. Il s’agit de tester un questionnaire simple, de cinq questions sur des symptômes. Nous pouvons grâce à ce questionnaire rempli sur tablettes ou smartphones recevoir directement des alertes en temps réel, pour accélérer la surveillance et adapter les traitements. L’application est développée par une entreprise néerlandaise et l’expérimentation a été conduite sur quatre pays européens, le Royaume-Uni, la Suède, la Pologne et la France. Notre rôle est de sécuriser les données, de veiller au respect de la réglementation et de stocker les données françaises dans une métabase ici à Kyomed. Nous déclinons actuellement l’application en 26 langues, pour fournir de nouvelles versions de celle-ci d’ici à fin 2016. Il ne s’agit pas d’une simple traduction mais d’une véritable adaptation aux différentes cultures des systèmes de santé et aux réglementations diverses entre pays. Notre but est vraiment d’intégrer les patients pour qu’ils aient envie de s’approprier une telle technologie.
Justement comment éviter une fracture technologique ?
Notre cadre est la santé participative, pas question de travailler sur des gadgets qui ne seront pas utilisés. D’où le développement d’un « living lab », l’un des dix en France et le seul dans une structure privé. L’idée est de disposer d’un lieu modulaire pour reproduire la « vie réelle » de l’utilisateur, patient, médecin, pharmacien, biologiste. Nous avons testé récemment un pilulier électronique, DESDEO, en reproduisant un cabinet médical, l’espace de vie des patients, l’officine de pharmacie. Le but était d’évaluer l’observance du traitement avec l’aide de cet outil-prototype qui enregistre en temps réel la prise ou non de traitements avec un suivi électronique et une communication programmable de transmission au médecin et aux infirmiers.
Quel a été le parcours de votre structure pour arriver à ce modèle et quels sont ses financements ?
Créée en avril 2014, Kyomed est issue du projet CR2i DiagnosTIC Santé qui fut lauréat du Programme Investissements d’Avenir en 2013. La SAS consacre l’aboutissement de quatre ans de travail d’une centaine d’acteurs, de grands groupes comme Sanofi, IBM, de start-up et de structures publiques. Actuellement le collège d’actionnaires de Kyomed compte l’association CR2i en Languedoc-Roussillon (Sanofi, Ecole des Mines d’Alès, Etablissement français du sang, Institut Mines-Telecom, CHRU de Montpellier, CHU de Nîmes) ; la SAS Biolguild (regroupant sept PME du secteur des biotechnologies : Acobiom, Amylgen, ASA, Histalim, I2A, Phylogen et CEISO) et trois actionnaires directs : le groupe Altéra, l’Université de Montpellier et l’Institut du Cancer de Montpellier. Il s’agit d’une SAS à capital variable, de 353 000 euros au début 2015 et pour un budget prévisionnel de 28 millions d’euros sur cinq ans. Nous avons reçu une subvention de 2,6 millions d’euros de l’Etat, un million d’euros de la Région et un million d’euros de la Métropole Montpellier Méditerranée. Pour l’instant, la structure emploie cinq personnes mais notre business plan prévoit 25 personnes d’ici deux à trois ans. Nous nous appuyons sur le pôle de compétitivité Eurobiomed qui a porté le projet à son démarrage, sur le Think Tank régional du Numérique et sur le label French Tech dont la Métropole Montpelliéraine est l’une des 9 lauréates.
Un mot sur la plateforme de traitement de données ?
Sur l’aspect « Big Data », nous sommes encore en discussion avec la Métropole et nous travaillons à une solution matérielle avec IBM. Nous nous orientons vers l’utilisation de logiciels pré-existants, du domaine de la banque ou de la finance. Nos salariés possèdent tous une double compétence en santé et en informatique ou en management. L’idée est de faire travailler des experts en santé avec des outils puissants d’analyse de données pour faire ressortir des informations pertinentes pour le quotidien des patients. Le plateau informatique devrait être opérationnel en septembre 2015. Au niveau éthique, la reconnaissance de la CNIL est indispensable pour la sécurisation et l’usage des données, nous sommes suivis par un correspondant CNIL. L’adhésion et la confiance du patient doivent être complètes.
Allez-vous monter des projets avec des biologistes ?
Nous avons des contacts avec des services de biologie hospitalière et nous souhaiterions travailler avec des regroupements de laboratoires de biologie médicale. C’est vrai que pour le moment, nous sommes surtout positionnés sur des solutions de e-santé, mais tester des outils de diagnostic biologique fait partie de notre champ d’action également. Nous discutons avec nos relais dans le CHRU de Montpellier et du CHU de Nîmes et d’autre part avec des sociétés privées pour participer, pourquoi pas, au test de nouveaux automates. Il s’agira alors de faire appel aux biologistes comme usagers pour mettre en œuvre de tels tests. Par contre, nous avions prévu au départ un living lab plus grand, avec un laboratoire humide, mais cette stratégie est abandonnée depuis 2014. Le plus réaliste est de concevoir des tests directement en laboratoire dans le cadre de partenariats.
http://www.kyomed.com/